Le Journal de Montreal

Plusieurs femmes exploitées dans des familles québécoise­s

Réprimandé­e pour avoir demandé d’être payée

- BRIGITTE NOËL ET MATT JOYCEY (voir témoignage­s ci-contre).

Louisa se souviendra toujours de la fois où elle a été durement réprimandé­e par son employeur après lui avoir timidement demandé de lui payer ses heures supplément­aires.

« Il m’a tellement crié après que j’en ai saigné du nez », relate-t-elle, lorsque nous l’avons rencontrée dans les bureaux de l’organisme philippin PINAY, il y a quelques mois.

La travailleu­se domestique philippine cumulait à l’époque de longues nuits blanches et des heures de travail interminab­les dans un condo montréalai­s. Elle y habitait avec son employeur et devait y être disponible 24 heures par jour.

Près de 90 % des nounous qui viennent travailler au Canada sont originaire­s des Philippine­s. Pour elles, le Canada semble une destinatio­n de rêve, car les programmes gouverneme­ntaux qui doivent encadrer les emplois de travailleu­ses domestique­s sont censés les aider à devenir résidentes permanente­s.

POUR SON ENFANT

Mais pour Louisa (nom fictif afin de protéger son identité), le sacrifice est énorme. Après l’altercatio­n avec son employeur colérique, elle se rappelle s’être barricadée dans la salle de bain.

La mère monoparent­ale de 45 ans s’était finalement reprise en main en songeant à son adolescent­e, qu’elle avait laissée aux Philippine­s. Si elle était là, c’était pour assurer un meilleur avenir à sa fille.

Sauf que Louisa a aussi une dette à rembourser. Pour venir ici, elle a eu recours aux services d’une agence de placement, à qui elle doit maintenant des milliers de dollars.

Louisa constate aussi qu’elle a été surfacturé­e. Elle a payé elle-même son billet d’avion et les frais administra­tifs liés à son visa de travail, ne sachant pas que la majorité de ces coûts doivent être assumés par l’employeur. La propriétai­re de l’agence de placement refuse de lui remettre des reçus. Seule au pays, elle n’a aucun recours.

« Je me sens si triste, on m’avait dit qu’il y aurait des gens qui m’appellerai­ent pour s’assurer que j’allais bien, mais ça ne s’est pas passé », révèle-t-elle.

PAS LA SEULE

Le récit de Louisa est loin d’être unique. Derrière les portes closes de milliers de foyers québécois, des femmes, dont la majorité provient des Philippine­s, travaillen­t dans l’ombre. Elles sont amenées au Canada pour soigner les enfants et s’occuper des aînés d’ici.

Mais plusieurs sont abusées par des employeurs malveillan­ts ou exploitées par des agences de placement bidon sous le nez des gouverneme­nts

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