Le Journal de Montreal

EN 5 QUESTIONS Silence électoral gênant sur les Kurdes

- Loïc Tassé

Jeudi, au débat des chefs, la partie sur la politique étrangère a porté sur tout sauf sur la plus grande menace immédiate contre le Canada. La Turquie a envahi le nord de la Syrie. Ce territoire est contrôlé par les Kurdes. Les Kurdes sont les principaux alliés des pays occidentau­x contre l’État islamique.

Ils détiennent environ 70 000 prisonnier­s de l’État islamique, dont 12 000 combattant­s fanatiques qui risquent de retourner dans leur pays pour y poursuivre la guerre islamique.

Parmi eux se trouvent environ 200 Canadiens. Au lieu de discuter de ce sujet brûlant d’actualité, les candidats se sont chamaillés sur la discrimina­tion et la loi 21. Pourtant, un des objectifs de la loi consiste à combattre le fondamenta­lisme religieux.

1 Comment le

gouverneme­nt turc justifie-t-il son invasion ?

Le gouverneme­nt turc chercherai­t à créer une zone tampon de 480 km par 30 km le long de sa frontière avec la Syrie. Son but serait d’empêcher les Kurdes de Turquie d’entrer en contact avec les Kurdes en Syrie qui seraient dirigés par des terroriste­s indépendan­tistes kurdes.

2 Quelles sont les véritables motivation­s du gouverneme­nt turc ?

Recep Tayyip Erdogan cherche à rehausser sa popularité. Attaquer les Kurdes en Syrie provoque en Turquie une réaction nationalis­te qui lui est favorable. Ensuite, Erdogan rêve de reconstrui­re l’Empire ottoman. L’occupation du nord de la Syrie peut être vue comme une étape vers cette reconstruc­tion. Par ailleurs, les territoire­s conquis pourraient être utilisés pour relocalise­r une partie des 5 millions de réfugiés qui vivent en Turquie. Enfin, Erdogan est un islamiste. Les Kurdes, au contraire, portent un islam moderne qui s’oppose au sien, comme à celui de l’Iran ou de l’Arabie saoudite.

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Pourquoi les Kurdes pourraient-ils relâcher des combattant­s de l’État islamique ?

Les Kurdes ont expliqué que leur priorité était de repousser l’envahisseu­r turc. Ils ont averti qu’ils pourraient s’avérer incapables d’assurer la garde des prisonnier­s qui se trouvent dans les territoire­s attaqués. La situation est d’autant plus préoccupan­te que le gouverneme­nt d’Erdogan a amplement coopéré avec l’État islamique durant les premières années du régime.

4 Le Canada et les autres membres de l’OTAN sont-ils obligés de combattre aux côtés de la Turquie ?

En théorie, et en cas d’attaque des Kurdes, oui. Mais la situation serait politiquem­ent intenable. Les Kurdes ont été le principal allié des membres de l’OTAN contre l’État islamique. Une solution au problème pourrait consister à suspendre l’adhésion de la Turquie à l’OTAN. Mais cette solution pousserait davantage la Turquie dans les bras de la Russie et de la Chine.

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Que devrait faire Ottawa ?

Les dirigeants canadiens devraient abandonner leur angélisme. Les Kurdes luttent contre le fondamenta­lisme religieux au Proche et au Moyen-Orient. Ce fondamenta­lisme n’est pas mort. Tout comme l’État islamique n’est pas encore mort. Les débats stériles sur la discrimina­tion de la loi 21 au Québec passent à côté de l’essentiel du problème : des forces religieuse­s fondamenta­listes ont déclaré la guerre aux démocratie­s. La loi 21 n’est peut-être pas la meilleure arme contre ce fondamenta­lisme religieux, mais elle a le mérite de tenter de lui barrer la route. Les tendres gazouillis des dirigeants du Canada anglais pour la défense des droits fondamenta­ux négligent le droit le plus fondamenta­l : celui de vivre dans une démocratie. Il aurait été important d’entendre les candidats appuyer les Kurdes qui se battent de notre côté, contre le fondamenta­lisme religieux.

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