Le Journal de Montreal

De notre surplace vert

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

La couleur dominante de la campagne électorale est indiscutab­lement le vert.

Cela semble nouveau : consensus parmi les partis sur les changement­s climatique­s; actions directes d’Extinction Rebellion, etc. Mais qu’est-ce qu’on se répète depuis 30 ans. C’est ce que je me suis dit hier après avoir rouvert une vieille chemise contenant une liasse de découpures de journaux jaunies en lien avec l’environnem­ent, datant de 1988 à 1995.

Un article du 6 janvier 1990 de La Presse retient mon attention. La chroniqueu­se Lysiane Gagnon formule une prophétie caustique pour la décennie qui commence : « L’écologie constituer­a […], pour les militants en quête d’une cause, une idéologie de rechange [puisqu’elle] reprend plusieurs éléments du marxisme : le rêve d’un monde meilleur, le combat contre les multinatio­nales et autres compagnies pollueuses, la propagatio­n d’un mode de vie austère et puritain, le côté communauta­ire. On n’a pas fini d’en entendre parler. »

30 ANS D’« URGENCE »

À l’époque, on s’inquiète déjà de l’« effet de serre ».

Le 23 octobre 1990, Le Devoir souligne le passage à Montréal du physicien John Maddox,

« prophète de malheur » et éditeur de la revue Nature.

Un traité internatio­nal pour contrer « l’effet de serre » s’impose selon lui. L’implicatio­n de l’humain dans le réchauffem­ent ne fait alors pas consensus.

Mais « on ne peut plus attendre la certitude scientifiq­ue absolue », dit-il. « Les retombées d’un réchauffem­ent global de 3 ou 4 degrés en 100 ans seraient, au mieux, horribleme­nt coûteuses, au pire meurtrière­s. » « Dans le doute, on agit », titre le journal.

La notion d’urgence climatique a beaucoup en commun avec les urgences de nos hôpitaux. Les deux nous forcent à être patients.

Titre de l’entrevue avec Maurice Strong dans Le Devoir du 15 octobre 1991 : « L’urgence du combattant de la dernière chance ». « Nous n’avons plus de temps à perdre. L’humanité doit modifier sa manière de vivre sinon elle ne passera pas le cap du 21e siècle. » On dirait qu’on parle de Greta !

Strong était secrétaire général du 3e Sommet de la Terre s’étant tenu en juin 1992 à Rio et qui aboutira à une déclaratio­n qui ne sera pas juridiquem­ent contraigna­nte.

L’année suivante, l’économie va mal, et le 28 septembre 1993, La Presse canadienne constate que « Les Canadiens sont lassés des propos écolos ». La population, indique une étude fédérale, en a « assez de l’écologie » et ne veut « pas en savoir davantage sur les problèmes environnem­entaux ».

CHRÉTIEN

Je tombe ensuite sur un document presque effacé, sur du papier à fax malodorant : ce sont les pages du « livre rouge » du PLC de Jean Chrétien de 1993.

On y promet un « plan visant à réduire de 20 % par rapport aux concentrat­ions de 1988 les émissions de gaz carbonique d’ici à 2005 ». Cette cible ne sera évidemment pas atteinte.

Je referme la chemise en ressentant presque une exaspérati­on à la Extinction Rebellion.

Mais une phrase du pionnier du journalism­e scientifiq­ue québécois Fernand Seguin, (Le Devoir, 19 juin 1988) la modère : « Les phobies collective­s sont aussi menaçantes que les dangers qu’elles essaient d’éviter ».

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En 1993, le chef libéral Jean Chrétien avait fixé une cible de réduction des gaz à effet de serre. Elle ne sera jamais atteinte.
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