Le Journal de Montreal

L’achat d’un terrain qui tourne au cauchemar pour ses finances

- Emmanuelle Gril Collaborat­ion spéciale

En 2016, tout semblait sourire à Jean-Claude. Cadre supérieur au salaire confortabl­e dans une entreprise pharmaceut­ique, il décide de s’acheter un terrain en bordure du fleuve pour y bâtir la maison de ses rêves. Mais les événements vont prendre un tour inattendu.

Le terrain lui a coûté 500 000 $, une forte somme, mais Jean-Claude a l’intention de diviser le lot en deux et de revendre l’autre partie pour 300 000 $. Ce montant lui permettra de réduire ses coûts et surtout de bâtir une belle résidence. Sa banque lui a consenti une hypothèque sans difficulté, compte tenu de ses projets de revente, mais aussi de ses revenus de 150 000 $ par an.

Toutefois, lorsque les travaux d’excavation débutent en 2017, une bien mauvaise surprise l’attend. En effet, en creusant, on découvre toutes sortes de déchets : pneus, matériaux de constructi­on, vieux bains et vélos, métal rouillé… le terrain a été utilisé comme site d’enfouissem­ent dans le passé.

Pour le nettoyer, il faudra creuser jusqu’à 20 pieds en profondeur afin de s’assurer que les fondations de la future maison reposent sur un sol stable. Coût de l’opération : 75 000 $. Qui plus est, Jean-Claude est tenu de révéler la situation à tout acheteur éventuel de l’autre portion du terrain, ce qui réduit considérab­lement les perspectiv­es de vente.

LES IMPRÉVUS SE MULTIPLIEN­T

À cause de cette marge de manoeuvre réduite, Jean-Claude ne parvient pas à obtenir un prêt supplément­aire de son institutio­n financière. Celle-ci a prévu un maximum de 350 000 $ pour la constructi­on de la maison, en plus des 500 000 $ pour le terrain, et refuse de payer les travaux d’excavation. JeanClaude doit donc se résoudre à puiser dans ses économies. « Il prélève des montants dans ses REER, mais à cause de son salaire élevé et de son taux d’imposition, il doit retirer 140 000 $, soit la presque totalité de ses épargnes, pour obtenir au bout du compte 75 000 $ », détaille Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabil­ité, président de Jean Fortin et Associés.

La constructi­on se poursuit, avec son lot d’imprévus et de « tant qu’à faire », faisant grimper la note. Les paiements hypothécai­res et les taxes municipale­s à eux seuls représente­nt une somme de 2850 $ par mois. Jean-Claude accumule ainsi, mois après mois, un déficit de 1800 $, qu’il éponge en utilisant ses cartes et sa marge de crédit.

SPIRALE DE L’ENDETTEMEN­T

À la fin de 2018, Jean-Claude n’a toujours pas vendu le terrain, et sa résidence n’est terminée qu’à 75 %. Le budget octroyé par la banque titre à sa fin, il a contracté une hypothèque de 760 000 $ et un endettemen­t personnel frôlant 55 000 $.

« En additionna­nt le paiement hypothécai­re de 4050 $ et le paiement minimum de 1150 $ par mois pour ses dettes personnell­es, le déficit mensuel est maintenant de 3900 $. Autrement dit, tous les six mois, c’est près de 24 000 $ qui s’ajoutent à la facture, une véritable spirale dont il ne peut s’extraire », mentionne Pierre Fortin.

Comble de malheur, à la suite d’une rationalis­ation au sein de son entreprise, son poste est coupé. Résultat : début 2019, Jean-Claude a un endettemen­t personnel de 79 000 $ en plus d’une hypothèque écrasante, il a dilapidé ses REER et il n’a plus d’emploi.

Pris à la gorge, il consulte alors un profession­nel en insolvabil­ité qui lui conseille de faire faillite et de remettre les clés de sa propriété à son créancier. Il a aussi perdu son terrain.

« C’est la meilleure option qui s’offrait à lui dans son cas. Il devra effectuer des paiements de 1400 $ par mois tant qu’il aura des revenus garantis par son ancien employeur et 125 $ par mois par la suite. Il sera libéré de sa faillite dans 21 mois », explique Pierre Fortin.

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