UNE ÉPOPÉE AUX MULTIPLES EMBÛCHES
Les Nordiques ont joint la LNH il y a 40 ans envers et contre tous
Le 30 mars 1979, les Nordiques intégraient les rangs de la LNH. Le rêve impossible s’est concrétisé malgré le scepticisme ambiant, les réticences évidentes de la Ligue nationale et l’opposition farouche des éventuels ennemis jurés à l’autre bout de la 20. Au grand dam du puissant Canadien de Montréal, une rivalité qui allait enflammer le Québec tout entier venait de naître envers et contre tous.
Installés depuis 1972 dans l’Association mondiale de hockey (AMH), les Nordiques étaient déterminés à faire le saut dans le grand circuit. La LNH, pour sa part, ne cachait pas sa détermination à intégrer les meilleurs survivants du circuit maudit à titre d’équipes d’expansion.
Les premières rencontres à cet effet, dès 1977, ont vite avorté. Le ressentiment des gros bonnets de la LNH à l’égard d’une ligue qui lui avait volé plus d’une quarantaine de joueurs au fil des ans, envenimait les négociations.
En sol canadien, les Maple Leafs, les Canucks et le Canadien ne voulaient rien savoir d’une expansion au pays qui passerait par Edmonton, Winnipeg… et encore moins Québec.
« Jacques Courtois, qui était président du Canadien [de 1972 à 1978], m’avait dit que jamais Québec n’intégrerait les rangs de la LNH. Jamais ! », se souvient l’ancien directeur des sports au Journal
de Québec, Claude Bédard, qui a vécu de près les tractations en coulisses à l’époque.
« Lors d’une réunion à Key Largo à la fin mars, ça brassait. Après la rencontre, Sam Pollock, qui en était à ses derniers moments dans la direction du Canadien, s’était sauvé à la course en balbutiant quelques mots pour laisser sous-entendre qu’il n’y avait toujours pas d’entente, mais que ça pourrait encore se régler éventuellement.
« Pollock ne voulait pas porter l’odieux, mais il nous a été confirmé que lui et le Canadien avaient mené la charge contre une expansion canadienne. Quand leur position a été connue, il y a eu un mouvement de protestation dans tout le pays, et, à Québec, les produits Molson étaient vidés des commerces », ajoute-t-il.
CONDITIONS DIFFICILES
Quand l’adhésion des Nordiques, des Oilers, des Jets et des Whalers a été officialisée le 30 mars 1979, les gens peinaient encore à y croire. Mais ce n’est pas comme si la LNH ouvrait la porte toute grande à ses nouveaux membres.
« Au repêchage de 1979, les Nordiques parlaient au 20e rang. C’est dire à quel point la ligue les adorait », rigole M. Bédard.
« Il y avait aussi une obligation ferme d’agrandir le Colisée, des contrats de joueurs avaient été imposés et les droits de télé avaient été refusés pour cinq ans. Comme propriétaire, Marcel Aubut ne s’est jamais laissé décontenancer et a trouvé des moyens ingénieux comme les publicités sur les bandes, qui ont été repris partout depuis, pour soutirer des revenus. »
DE PETITS COUSINS À ENNEMIS
Au départ, l’animosité qui régnait entre les dirigeants du Canadien et des Nordiques ne se transposait pas forcément chez les amateurs. Le 13 octobre, pour une première fois depuis 1938, deux clubs du Québec s’affrontaient, quand les Nordiques et le
Tricolore ont sauté sur la glace du Forum.
« J’y étais, et les Nordiques ont eu droit à une ovation à Montréal avant et après la défaite de 3-1. Je n’y croyais pas. C’était un peu les petits cousins pas dérangeants de Québec qui étaient en ville. Quand les Nordiques ont surpris tout le monde en battant les Canadiens (5-4) le 28 octobre au Colisée, Québec était en liesse et la rivalité s’est installée », se remémore Claude Bédard.
Pendant de longues années, qui ont mené à la fondation de l’AMH, les gens de Québec ne pouvaient que rêver sans trop y croire à ce que leurs Nordiques intègrent un jour la LNH. Maintenant que c’était fait, le plus dur restait à accomplir.
« Dans les années 1970, ceux qui y croyaient comme moi se faisaient planter et traiter de rêveurs. C’est en 1979 qu’on a réalisé la somme de tous les efforts.
« C’est dommage parce qu’en 15 ans dans la Ligue nationale, on n’a jamais vraiment trouvé la fierté distinctive d’une grande ville qui veut prendre sa place. Même une fois bien implanté dans la ligue, on a toujours été assujetti à Montréal et à la ligue, comme une grande main invisible au-dessus de l’organisation. Ça nous a nui à long terme », déplore encore aujourd’hui l’ancien journaliste.