Le Journal de Montreal

Aller à la rencontre de la mort

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Intervenan­te et directrice d’un organisme communauta­ire, Geneviève Landry s’est alliée à la photograph­e Emmanuelle Brière pour explorer le chemin qui mène à la fin de vie dans un nouveau projet très émouvant, rempli de belles images, Laisser sa trace .Leduo est allé à la rencontre d’une vingtaine de personnes confrontée­s à la mort et partage le fruit de conversati­ons, sans filtres, sans tabous, qui invitent toutes à profiter pleinement de la vie, ici, et maintenant.

Geneviève et Emmanuelle sont allées à la rencontre de toutes ces belles personnes qui les ont accueillie­s chez elles, dans un parc, dans un café, dans la section des soins palliatifs. Elles ont jasé de l’annonce de la maladie, des peurs, de la réaction des autres… mais aussi de la vie et du bonheur.

Ce projet fut synonyme d’apprentiss­age, et Geneviève Landry était un peu nerveuse en s’y lançant. « Je me disais : est-ce que je vais être assez forte, émotionnel­lement, pour faire ça ? Tout au long du projet, je me suis vraiment questionné­e, surtout pour le chapitre qui concerne Patrick, mon ancien beau-frère. Je le connaissai­s… Il a trois enfants… Ç’a été difficile, émotionnel­lement. C’était la première fois que je rencontrai­s une famille avec des enfants et il m’avait demandé de l’aider à faire une vidéo posthume. Quand je suis sortie de là, j’étais à l’envers, ébranlée. J’ai moi-même deux filles et j’ai côtoyé la mort : ma deuxième grossesse a été catastroph­ique, et j’ai un bébé miracle. »

LEÇONS DE VIE

Elle a réalisé en cours de route à quel point laisser sa trace était important, pour ces gens en fin de vie. « On a parlé de la mort… mais on a surtout parlé de la vie. Je sors de ce projet avec de belles leçons de vie. Il y avait des gens très pauvres dans mon livre, et d’autres, très riches, et personne ne m’a dit : je retiens que j’ai eu une bonne job, dans la vie. Personne ne m’a parlé de matériel. »

Toutes les personnes rencontrée­s, ajoute-t-elle, lui ont plutôt parlé de la santé, de l’amitié, de l’entraide, de l’amour. « C’était la trame de fond. Comme faire des choix pour soi. Allison m’a dit qu’il fallait apprendre à créer des souvenirs dans la tête de mes enfants. »

Geneviève Landry pense que ce livre ramène à des choses simples qu’on a tendance à oublier avec le temps, « parce qu’on est toujours pressé ou parce qu’on veut plaire à tout le monde ». « J’ai posé toutes les questions que je voulais poser. Mais il m’en reste une seule, à la fin de cette aventure littéraire : comment ça se fait qu’au Québec, on attend d’être aux portes de la mort avant de vivre réellement ? »

ÊTRE HEUREUX AUJOUR’DHUI

« La société nous amène à penser à nos REER, à notre retraite. On est beaucoup dans le futur et on s’y projette comme un être en santé, très heureux. Mais on ne sait pas ce qui va se passer. Il faut arrêter de vouloir être heureux dans dix ans et essayer de l’être aujourd’hui. D’un coup que demain, tu ne pourras pas… »

Elle considère que ce projet difficile lui a donné, au final, un cadeau extraordin­aire. « C’est trop beau !

Je n’ai pas juste pleuré… j’ai ri, j’ai réfléchi, j’ai eu de l’amour. Les gens m’ont ouvert la porte de leur maison, m’ont ouvert leurs albums photo, heureux, contents. Ils n’ont plus rien à perdre, donc l’égo n’existait plus, les barrières non plus, ni le désir de plaire. »

▪ Geneviève Landry est intervenan­te et directrice générale d’un organisme communauta­ire.

▪ Elle a également écrit Enquête de paternité.

▪ Emmanuelle Brière est photograph­e et directrice générale de La Vitrine créative.

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 ??  ?? LAISSER SA TRACE, Geneviève Landry, photograph­ies d’Emmanuelle Brière. Éditions Druide, environ 200 pages.
LAISSER SA TRACE, Geneviève Landry, photograph­ies d’Emmanuelle Brière. Éditions Druide, environ 200 pages.

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