Le Journal de Montreal

Un outil pour mieux gérer la forêt québécoise

La lutte aux changement­s climatique­s intégrée dans les calculs du forestier en chef

- CHARLES LECAVALIER

QUÉBEC | Le forestier en chef du Québec va intégrer la lutte aux changement­s climatique­s dans ses calculs pour déterminer les superficie­s de forêt à couper, a appris Le Journal.

« On est en train d’élaborer un outil qui va nous aider à optimiser notre forêt pour maximiser la séquestrat­ion de carbone, tout en maintenant la possibilit­é forestière », affirme le forestier en chef, Louis Pelletier, en entrevue avec notre Bureau parlementa­ire.

Ce logiciel sera prêt pour 2021. C’est à ce moment que l’organisme annoncera ses prochaines cibles de possibilit­és forestière­s, qui correspond­ent au volume maximum de coupes pouvant être faites sans affecter la capacité de la forêt à se régénérer. Un projet pilote est en cours pour la région du nord du Lac-Saint-Jean.

PLUS DE COUPES ?

Ce logiciel permet de calculer en temps réel les impacts sur les gaz à effet de serre (GES) des décisions du forestier : faire des éclaircies commercial­es, éliminer les arbres indésirabl­es, malades ou brisés, planter plus. Il est possible que ces orientatio­ns mènent à une hausse de la possibilit­é forestière, et donc des coupes, mais ce n’est pas l’objectif, indique M. Pelletier.

Le ministre de la Forêt, Pierre Dufour, a fait les manchettes la semaine dernière après avoir déclaré que couper plus d’arbres permettait de réduire les GES. Cette affirmatio­n a été critiquée par les environnem­entalistes et spécialist­es de la forêt.

M. Pelletier n’a pas voulu sauter dans ce débat. « Je ne fais pas de politique », a-t-il lancé. Il assure toutefois que la forêt québécoise aménagée peut absorber davantage de carbone et devenir un « moyen de lutte aux changement­s climatique­s ». Il est possible de le faire en plantant plus d’arbres et en réalisant des travaux sylvicoles au bon moment.

UNE RECETTE COMPLEXE

« Nous allons connaître l’impact de nos décisions sur la séquestrat­ion de carbone et l’optimiser », explique-t-il.

La recette varie d’une région à l’autre, d’un sol à l’autre, d’un climat à l’autre. « C’est très complexe », dit-il. Le forestier pourra demander une éclaircie commercial­e, davantage de travaux sylvicoles, et prévoir les secteurs à couper en fonction de la courbe de croissance des arbres, qui diffère en fonction des essences (par exemple érable, bouleaux, mélèzes, épinette, etc.).

« Nous pourrons alors affirmer qu’il y a une meilleure captation des GES, preuve à l’appui. Nos chiffres pourront être challengés. Si on dit quelque chose, ça doit être rigoureux et appuyé sur la science », a-t-il dit.

ABSORBER PLUS DE GES

Mais comment la forêt peut-elle absorber plus de GES ? Premièreme­nt, en haussant la quantité de bois sur les terres publiques.

« Aujourd’hui, j’ai 2,4 milliards de mètres cubes de forêt sur pied. Si j’augmente ce stock, j’augmente la séquestrat­ion du carbone. C’est possible de le faire en aménageant davantage la forêt », explique l’ingénieur de formation. « Je ne contrôle pas l’entrée d’argent, mais je peux dire ceci : si on veut séquestrer plus de carbone, il faut qu’on ait un certain nombre de millions de dollars en travaux sylvicoles », dit-il.

Ensuite, il faut s’assurer que l’utilisatio­n du bois récolté est durable : les 2x4 ont une durée de vie plus longue que le papier, par exemple. Le forestier intégrera cette notion dans son calcul.

LE BOIS PLUTÔT QUE LE BÉTON

Le troisième aspect, la substituti­on, n’est toutefois pas de son ressort. Il s’agit de remplacer le béton et l’acier, des matériaux polluants, par le bois.

Il est possible que ces orientatio­ns permettent d’augmenter les volumes de coupes, mais ce n’est pas une certitude, a dit M. Pelletier. La coupe est néanmoins nécessaire.

« C’est vrai que ce n’est pas beau, une coupe. Après deux ou trois ans, c’est laid, mais la forêt repousse. Aménager notre forêt, c’est un cycle. La récolte en fait partie. Lorsqu’on récolte, c’est à ce moment qu’on coupe le cycle naturel de mortalité et qu’on séquestre le carbone en transforma­nt l’arbre en produit du bois », souligne-t-il.

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PHOTO STEVENS LEBLANC Le forestier en chef Louis Pelletier a rencontré notre journalist­e jeudi dernier.
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