UN MARATHON EN ZONE DE CONFLIT
Patrick Arsenault a participé au Khunjerab Pass Challenge au Pakistan en septembre
Être escorté par l’armée pakistanaise tous les jours, dormir alors qu’un militaire armé veille au grain devant sa chambre d’hôtel et manquer d’air après quatre kilomètres d’un marathon. Ce scénario, à l’apparence apocalyptique, a plutôt fait partie de la dernière expérience fort enrichissante du Lévisien Patrick Arsenault qui a participé au Khunjerab Pass Challenge au Pakistan, il y a quelques semaines.
L’homme de 48 ans de Québec a fait partie de la quarantaine de coureurs internationaux invités par l’armée de l’air pakistanaise à prendre part à ce marathon sur route le plus en altitude au monde.
Là-bas, toutes les dépenses étaient payées par l’armée. Mais elle était omniprésente.
« Dès mon arrivée, j’ai compris que c’était l’armée qui organisait l’événement. Nous étions escortés dans des minibus d’une quinzaine de personnes séparées par des camions militaires chacun muni d’une mitraillette. À la fin, il y avait deux ambulances qui nous suivaient aussi. Quand on passait dans les villages, on n’arrêtait même pas aux lumières rouges. On était un peu comme des dignitaires », raconte celui qui compte 19 marathons à son actif, répartis sur les sept continents.
CINQ ÉTOILES
Là-bas, ils étaient nourris et logés dans des hôtels cinq étoiles. D’ailleurs, de retour au Québec, il n’a pas encore réussi à réellement saisir ce qu’il a vécu.
« Ils veulent redorer l’image du Pakistan. On s’en parlait entre nous et on ne sait pas si l’armée est toujours présente comme ça ou s’ils voulaient simplement s’offrir en spectacle », se questionne-t-il.
AUCUN DANGER
Toujours est-il qu’en aucun temps s’estil senti le moindrement en danger, et ce même si le Pakistan est en « code rouge » en ce moment en raison des tensions avec l’Inde dans la région du Cachemire, où avait d’ailleurs lieu le marathon, ainsi que la menace talibane toujours présente.
« L’armée était toujours là. Deux soirs avant le marathon, un militaire a même passé la nuit assis devant ma chambre d’hôtel avec une mitraillette à la main », raconte-t-il.
Lors des moments au cours desquels ils ont pu visiter les villages sur le chemin menant au site du marathon, Arsenault y a découvert un peuple fort accueillant.
« Les gens étaient super gentils et surtout très intéressés par la présence d’étrangers. Leur pays a mauvaise presse alors ils voient peu de touristes, outre des alpinistes. Ils étaient vraiment contents de pouvoir discuter avec des gens de l’extérieur. »
UN MARATHON DIFFICILE
Tout ça pour en revenir à la raison principale de son voyage : le marathon !
Le départ étant donné à 4700 m au-dessus du niveau de la mer, le marathonien a subi les effets de l’altitude, et ce, beaucoup plus rapidement qu’il ne l’aurait espéré.
« Habituellement, les coureurs diront que le fameux mur, tu le frappes à 35 km. Moi, je l’ai frappé au quatrième ! Nous n’avions eu que deux jours pour nous habituer à l’altitude, et on manquait d’air. Quand j’arrêtais de courir, je sentais le sang monter dans ma tête. On s’y attendait par contre. Même les plus expérimentés ont marché. Heureusement, le marathon était en descendant alors plus ça allait, mieux c’était. »
FEMMES PAKISTANAISES
Des 40 coureurs internationaux avec qui il a fait le voyage, douze étaient des femmes. D’ailleurs, parmi les points positifs qu’il retient de cette expérience, on peut compter la présence de femmes pakistanaises qui ont participé à la course.
« On tient ça un peu pour acquis ici, mais là-bas, la condition de la femme n’est pas super. Ils ont vraiment bien pris soin des coureuses internationales. Aussi, les trois premières femmes au demi-marathon provenaient du Pakistan, et on pouvait voir la fierté dans leurs yeux. Le lendemain, il y a eu un banquet avec le chef de l’armée et de voir ces femmes monter sur la scène, c’était spécial », raconte celui qui a notamment été touché par la présence d’un père dans l’assistance, pleurant de fierté lorsque sa fille est montée recevoir son prix.
« Le pays ne changera pas à la vitesse grand V, mais c’est un pas dans la bonne direction », estime-t-il.