Grosses baraques, moins de taxes
L’évaluation foncière de propriétés de luxe est très nettement inférieure à leur valeur marchande
Les propriétaires de maisons luxueuses profitent-ils d’un congé de taxe déguisé ? C’est ce que laisse croire l’écart majeur qui existe entre la valeur marchande de leur propriété et leur évaluation foncière, révèlent des données obtenues par Le Journal.
Tous les ans, les propriétaires attendent avec appréhension l’arrivée de l’avis de taxe foncière. Basé sur l’évaluation municipale de leur propriété, cet avis détermine les sommes à payer en impôt foncier.
La plupart du temps, cette évaluation se situe assez près de la valeur marchande de la propriété. À Montréal par exemple, l’écart médian entre la valeur foncière et la valeur marchande d’une maison unifamiliale était de 13 %, ou de 69 000 $ l’an dernier.
Mais la situation est tout autre pour les maisons valant quelques millions de dollars, révèlent des données compilées par la firme JLR à la demande du Journal.
Dans le cas des 25 résidences les plus chères vendues à Montréal au cours des deux dernières années, le prix d’achat était 67 % plus élevé en moyenne que la valeur foncière sur laquelle sont basées les taxes municipales. Un écart substantiel de 1,6 million $ en moyenne par propriété.
« Est-ce un rabais de taxe ? On peut le voir comme ça », reconnaît Estelle Filiatrault-Bégin, économiste chez JLR, une firme qui se spécialise dans l’analyse de données liées au marché immobilier.
SITUATION BIEN CONNUE
« C’est sûr qu’en termes d’équité sociale, il y a une certaine injustice, dans le sens où des personnes qui devraient payer plus (de taxes municipales) en payent moins », ajoute pour sa part Charles Brant, de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
La situation est bien connue de l’industrie immobilière, dit-il.
Le nombre de propriétés qui se vendent plus de 1 million $ a augmenté de 62 % depuis 2014. En d’autres mots, de plus en plus de propriétaires bénéficieraient d’un tel écart.
L’évaluation foncière est établie selon divers facteurs, comme la valeur de résidences comparable au sein d’un même secteur, explique M. Brant. Or, ces maisons sont beaucoup plus rares et atypiques. « C’est sûr que les évaluations municipales sont un peu coincées dans le temps. Ça marche bien pour évaluer le prix de la maison de monsieur et madame Tout-le-Monde, mais moins pour les propriétés plus chères. »