Le Journal de Montreal

Arrêtez les attaques personnell­es

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Justin Trudeau, dans une activité électorale, avec un gilet pare-balles et entouré de policiers en habit de combat. Vous avez vu l’image troublante ?

Pour qu’une opération policière du genre soit déclenchée, une menace fut considérée comme crédible.

J’ai fait l’erreur de lire les commentair­es au bas des articles sur le sujet. Des déversemen­ts de méchanceté pure. Certains délires haineux.

Je sais, c’est toujours comme ça. Et justement, ça fait partie du problème.

FÉDÉRER LES FOUS

À une certaine époque, avant l’internet, les fous déliraient seuls dans leur coin. Parfois, ils créaient des petits magazines qu’ils distribuai­ent laborieuse­ment.

Le web, le numérique et les médias sociaux, c’est formidable à bien des égards. Mais il reste que ça fédère les fous dans leurs délires. Ça leur permet de se « crinquer » entre eux.

Les théories du complot foisonnent. À en croire certains commentair­es évoqués plus haut par exemple, Trudeau, hier, aurait tout manigancé afin de s’attirer la pitié des électeurs.

Dans la nouvelle donne créée par les médias sociaux, les politicien­s

— et tous ceux qui participen­t à la conversati­on démocratiq­ue — ont une responsabi­lité plus grande que jamais de mesurer leurs propos.

Or, il y a une forte demande venant de leur base pour que les attaques à l’endroit des adversaire­s, lors des campagnes, soient percutante­s, vitrioliqu­es et très personnell­es. Certains cèdent allègremen­t à ces demandes. Vous savez à quel politicien américain je pense ici…

L’ATTENTAT DE 2012

Les chefs devraient éviter à tout prix d’aller sur ce terrain, car ainsi, ils en viennent à diaboliser leurs adversaire­s. Bref à nier leur humanité aux yeux des esprits les plus dérangés parmi leurs militants et sympathisa­nts.

Les risques sont grands. En 2012, ici au Québec, une chef de parti nouvelleme­nt élue à la tête du gouverneme­nt, Pauline Marois, aurait pu mourir dans un attentat politique perpétré par une personne dérangée proférant des propos diabolisan­ts. Résultat : un mort et un blessé grave, ne l’oublions pas.

Justin Trudeau a eu raison hier de dénoncer la polarisati­on de l’arène politique actuelle. J’ai été troublé, lors des débats de la semaine dernière, par la teneur très personnell­e de certaines attaques.

Jagmeet Singh a beau être « sympathiqu­e », il ne s’en est pas privé, traitant sans vergogne Trudeau d’« hypocrite ».

Quant au chef conservate­ur Andrew Scheer, il s’est livré à des attaques sans merci contre le chef libéral : « Menteur compulsif », « imposteur » qui ne « méritait pas de gouverner » le pays.

On a beau croire à la formule de Talleyrand selon laquelle « tout ce qui est exagéré est insignifia­nt », ces critiques risquent de laisser des traces, fomenter des haines.

Les campagnes publicitai­res des partis prennent souvent, à notre époque, des accents très négatifs, américains (en un sens péjoratif). Jeudi, un « groupe de pression » obscur a par exemple carrément acheté la une du

National Post afin de dénigrer le chef libéral.

Tout cela crée un climat délétère qui dégoûte l’honnête citoyen cherchant à s’informer. Et « crinque » dangereuse­ment les plus dérangés.

À une certaine époque, avant l’internet, les fous déliraient seuls dans leur coin

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