Le Journal de Montreal

Le fédéral absent de la vie des Québécois

- JEAN-DENIS GARON jean-denis.garon@quebecorme­dia.com Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG UQAM

Quand vous buvez de l’eau potable, vous utilisez les services municipaux. Tout comme quand vous sortez vos enfants au parc.

Quand vous vous faites soigner et que vous envoyez vos enfants à l’école, ou que vous avez besoin de soutien à la recherche d’un emploi, c’est le gouverneme­nt provincial qui intervient.

Le gouverneme­nt fédéral, lui, est absent de notre quotidien. Et c’est tout à fait normal. Il est loin des citoyens parce qu’il n’est pas bien placé pour comprendre la réalité du terrain dans un pays aussi grand et diversifié. Mais surtout, la Constituti­on limite ses champs de compétence.

Que fait Ottawa avec notre argent ? La première tâche d’Ottawa est de signer des chèques et non de vous soigner. Les chiffres du dernier budget fédéral le démontrent bien.

Excluant les intérêts sur la dette, Ottawa planifiait dépenser 329,4 milliards de dollars pour l’année en cours. 23,3 % de ce montant, soit 76,9 G$, est directemen­t transféré aux provinces sous forme de grands transferts.

Contrairem­ent aux idées reçues, il ne s’agit pas uniquement de péréquatio­n. 70 % de ce montant sert à financer la santé et les programmes sociaux dans toutes les provinces, dont l’Alberta. Avec des fonds publics, rappelons-le, taxés dans ces mêmes provinces.

PEU DE SERVICES

Si on continue les calculs et qu’on retire des dépenses fédérales les transferts aux personnes (pensions, prestation­s pour enfants), il ne reste que 96 milliards $ réellement dépensés par Ottawa sur le terrain.

Le fédéral dépense donc moins de 30 % de son budget en services. Pour tout le pays. Cela représente un montant inférieur au budget provincial. En retranchan­t les dépenses militaires du fédéral, qui comptent pour près de 24 milliards $, il reste une maigre somme de 72,8 G$ dépensée en services aux Canadiens. Dont 13,7 G$ sont consacrés aux services aux Autochtone­s et aux affaires indiennes, où Ottawa a des compétence­s spéciales.

Mais encore, ces montants cachent d’autres transferts aux municipali­tés pour financer les infrastruc­tures et les transports en commun. Toutes des compétence­s provincial­es.

DES PLATEFORME­S INVASIVES

En voulant se rapprocher des gens, ou pour se rendre intéressan­ts, les partis fédéraux rivalisent de créativité pour violer les compétence­s des provinces.

Déjà, le fédéral utilise son « pouvoir de dépenser » pour intervenir là où il ne devrait pas. Ce vide constituti­onnel permet à Ottawa d’imposer des conditions en échange de ses généreux transferts.

C’est ainsi que notre système de santé doit satisfaire certaines conditions fédérales. Ou qu’on ne peut refuser l’aide sociale à un citoyen arrivant d’une autre province.

Le NPD, suivi de près par les libéraux, est le champion poids lourd de l’empiétemen­t.

De l’assurance médicament­s, à l’assurance maladie en passant par les services dentaires, les soins de longue durée et les petits déjeuners aux enfants, le NPD fédéral rêve de se substituer aux provinces.

Traditionn­ellement, le Québec ne s’oppose pas à ce que le fédéral intervienn­e dans les autres provinces. Mais il demande d’être compensé financière­ment pour faire ses propres choix, dans ses propres compétence­s, chez lui. Un principe que les partis fédéraux ont un peu trop de difficulté à accepter.

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