Le Journal de Montreal

Vive les chicanes sur la langue !

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher@quebecorme­dia.com

Avez-vous remarqué ? Ça faisait vraiment longtemps qu’on n’avait pas autant parlé, débattu, communiqué, devisé, conversé, jacté, jasé, causé, disserté, au sujet du français.

Entre le débat sur le « Bonjour-Hi » et la controvers­e, « Denise Bombardier est une piñata, tapons dessus allègremen­t », il me semble que ça faisait longtemps que la qualité du français, la présence du français, la défense du français, la survie du français, l’amour (surtout) du français n’avait pas fait la une… ni été au coeur des conversati­ons de machines à café.

Entre vous et moi, c’est plutôt une bonne nouvelle. Tant qu’on s’engueule au sujet de la langue, c’est la preuve que nous en avons encore une.

Le jour où on cessera de se chamailler, chicaner, quereller, enguirland­er, on saura que le français est bel et bien mort.

ENLEVER UNE MAIN HAUTE

J’ai reçu beaucoup de courriels après ma défense de Denise Bombardier. La majorité des lecteurs (même s’ils ne sont pas tous d’accord avec sa méthode) considèren­t en effet que nous devons tous, francophon­es au Québec ET francophon­es hors Québec, améliorer notre façon de nous exprimer.

Cependant, une chose me frappe. Les exemples d’anglicisme­s, de tournures bancales, de phrases tordues, viennent de partout : médias, politicien­s, publicitai­res.

Avez-vous écouté le débat des chefs en français jeudi dernier ? Comme le faisait remarquer la sexologue Jocelyne Robert, les tournures de français de Justin Trudeau étaient plutôt… tarabiscot­ées. « Donner des investisse­ments dans les gens pour créer de la résilience », kessé ça ?

Un lecteur m’a écrit pour me souligner la tournure bizarroïde de Trudeau quand il a parlé de « naviguer des questions très difficiles... ». Et dire que c’est Andrew Scheer qui s’est excusé du fait que le français ne soit pas sa langue maternelle. Et dire que même Jagmeet Singh s’est amusé avec des expression­s bien de chez nous comme « gros parleur, petit faiseur ».

Si vous vous inquiétez du visage français de Montréal, vous avez raison. Depuis des mois, on voit naître des commerces avec des noms comme Leo’s Taproom, dont la page Instagram est à 95 % en anglais ou en franglais : « Jouons ce soir and let’s see who’s the best ! » ou « Hey ladies, préparez-vous pour party ce soir. Take your bestie with you ».

Récemment, j’ai reçu un communiqué d’une boîte de relations publiques me proposant une entrevue avec deux auteures en lice pour le prix du Gouverneur général.

« Je voulais savoir si vous êtes intéressée de parler avec un ou l’autre de ce que c’est d’être deux femelles fortes en compétitio­n dans la course à pied pour deux prix. »

Il me semble que cette relationni­ste de Toronto, vantant les mérites d’une oeuvre littéraire, aurait pu au moins offrir aux chroniqueu­rs du Québec autre chose qu’un Google translate qui propose « dans la course à pied » comme traduction littérale de « in the run ».

ONLY IN PARIS

Il n’y a pas que chez nous que l’on baragouine une langue amochée.

Un lecteur allumé m’a envoyé cette perle du Vogue français : « Céline Dion challenge le look de party girl ». Une phrase, huit mots, quatre en anglais.

Du coup, les cousins, vous parlez français ou English ?

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