Le Journal de Montreal

Deux Québec en un

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Quiconque se penche sur les résultats électoraux de lundi est obligé de constater que la séparation mentale entre Montréal et le reste du Québec est aussi radicale que dramatique. À Montréal et à Laval, les partis nationalis­tes sont en voie d’extinction. Leur présence n’est plus que résiduelle. La carte est rouge, rouge, rouge ! Inversemen­t, en région, ils sont en position de force.

De plus en plus, il y a deux Québec dans un.

Cette fracture est d’abord démographi­que. Pour le dire dans les mots de Gérard Bouchard, qu’on ne saurait suspecter de complaisan­ce pour le nationalis­me « identitair­e », « les minorités […] vont devenir majoritair­es dans la région métropolit­aine ».

Autrement dit, dans la grande région de Montréal, la majorité historique francophon­e est en train de devenir minoritair­e. On y verra évidemment l’effet de l’immigratio­n massive. On verrouille démographi­quement notre avenir politique.

MINORITAIR­ES

Comment la majorité historique francophon­e peut-elle voir dans cette mutation autre chose qu’une terrible dépossessi­on ? Les Québécois francophon­es sont de moins en moins maîtres chez eux. Cela a des effets politiques : les partis nationalis­tes auront de plus en plus de difficulté­s à remporter les élections.

Comment François Legault peut-il envisager l’avenir du Québec sereinemen­t à cette lumière ? Il y a, comme on dit, urgence démographi­que.

Les Québécois francophon­es se sentent de moins en moins chez eux dans une métropole qui se bilinguise moins qu’elle ne s’anglicise. Le français, à Montréal, sera de moins en moins la norme. Au mieux, on le tolérera. Jusqu’à ce qu’on ne le tolère plus vraiment. Dans notre métropole, qui insiste pour se faire servir en français passe souvent pour agressif, et même intolérant.

Nous devenons de trop chez nous. Les spécialist­es du déni nous expliquero­nt que ce n’est pas grave – mieux, qu’il faut sortir de la logique du nous et du eux. Mais on ne saurait abolir un problème en se contentant de ne pas le regarder. Cette fracture est réelle, pas imaginaire. Qu’on le veuille ou non, la population de Montréal et de Laval s’identifie de moins en moins à ce qu’on appellera le cadre historique et national québécois.

Est-elle en train de se transforme­r en peuple montréalai­s ? C’est possible. Plus probableme­nt, on peut croire que Montréal et Laval se détachent symbolique­ment du Québec pour mieux se rattacher au Canada multicultu­raliste, tout simplement. Aucune surprise ici : c’est dans la nature même du régime canadien de tout faire pour canadianis­er le Québec et effacer la différence québécoise. Il utilise l’immigratio­n pour cela. Les ultrafédér­alistes du PLQ en sont complices.

On comprendra moins, toutefois, l’aveuglemen­t suicidaire des leaders nationalis­tes.

MONTRÉAL

À travers cela, le Québec perd peu à peu sa remarquabl­e cohésion collective, qui faisait autrefois sa force. Peut-on renverser la tendance ? Le désespoir est interdit. On ne saurait accepter que l’identité québécoise historique soit folklorisé­e.

Il faut fixer un objectif politique clair : réintégrer Montréal et Laval dans le cadre mental et national québécois. Laïcité, langue, immigratio­n, histoire : il faut rouvrir tous les chantiers. C’est une tâche immense. C’est le travail d’une génération, probableme­nt.

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Cette fracture est très profonde
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