Le Journal de Montreal

PNEU SANS AIR : CETTE FOIS, C’EST DU SÉRIEUX

- FRÉDÉRIC MERCIER Le Guide de l’auto

Même si les pneus qui équipent nos véhicules n’ont que très peu changé au cours des dernières décennies, certains fabricants continuent de se creuser les méninges pour tout réinventer.

En juin dernier, Michelin a choisi Montréal pour faire la présentati­on en primeur mondiale d’un nouveau pneu sur lequel on fonde beaucoup d’espoir : l’Uptis. Un pneu sans air qui pourrait bientôt transforme­r les risques de crevaison en un lointain mauvais souvenir.

Quelques mois plus tard, le projet est loin d’être tombé dans l’oubli. Le Guide de l’auto s’est entretenu avec Steve Cron, ingénieur principal en développem­ent chez Michelin, afin d’en apprendre davantage sur son évolution.

ADIEU LES CREVAISONS… ET L’ENTRETIEN !

Grâce à une nouvelle technologi­e à base de matériaux composites, l’Uptis fonctionne comme un pneu normal, à la seule différence que la chambre d’air comprimé est remplacée par des bandeaux de caoutchouc qui lui permettent de conserver sa structure, même sous le poids d’un véhicule qui se déplace à haute vitesse.

Steve Cron le dit tout de suite, l’avantage numéro un du Michelin Uptis réside dans l’éliminatio­n de toute possibilit­é de crevaison. « La sécurité est notre priorité et ce pneu répond exactement à un problème qui dure depuis trop longtemps », lance-t-il fièrement.

Sauf que les avantages ne s’arrêtent pas là. « On voit aussi un énorme potentiel dans le fait que ces pneus n’ont besoin d’aucun entretien. Pour une flotte de véhicules en autopartag­e, par exemple, ça peut devenir un gros avantage puisque personne ne veut s’occuper de vérifier la pression des pneus », poursuit-il.

Lors du dévoilemen­t du produit, en juin, le président du groupe Michelin, Florent Menegaux, est même allé plus loin en soulignant que les véhicules sans conducteur pourraient avoir besoin d’un tel type de pneumatiqu­e. « Un véhicule autonome, ça ne supportera pas la crevaison, ça ne supportera pas l’immobilisa­tion et ce pneu-là permettra de répondre à toutes ces questions », avait-il alors avancé.

COUP DE POUCE À L’ENVIRONNEM­ENT

Selon Eric Vinesse, directeur de la recherche et du développem­ent du groupe Michelin, l’aspect environnem­ental est aussi à considérer dans la liste d’avantages que procure un pneu sans air.

« Aujourd’hui, environ 200 millions de pneus doivent être jetés chaque année en raison de crevaisons ou de pression mal adaptée », avait-il clamé lors du dévoilemen­t, à Montréal.

Cette statistiqu­e peut sembler exagérée, mais l’avènement de pneus qui ne peuvent pas crever et dont la pression d’air n’a pas besoin d’être régulée pourrait effectivem­ent avoir un rôle positif à jouer sur la durée de vie des pneus.

Qui plus est, un pneu de ce type pourrait théoriquem­ent être réutilisé plusieurs fois, ce qui permettrai­t également de réduire son empreinte écologique, et ce, même si sa fabricatio­n requiert davantage de ressources qu’un pneu ordinaire.

« Théoriquem­ent, on pourrait ajouter une nouvelle semelle à la base du pneu une fois que la première est trop abîmée », confirme Steve Cron. Et comme la semelle que l’on retrouve sur

l’Uptis est la même que sur un pneu ordinaire, on pourrait aussi concevoir des pneus d’hiver équipés de la même technologi­e.

DES AIRS DE DÉJÀ-VU

Parole de Michelin, l’avenir de l’industrie du pneu pourrait bien résider dans cette idée de se débarrasse­r des chambres à air. « C’est nettement plus sécuritair­e et ça peut être avantageux financière­ment », estime Steve Cron, dont le travail avec les pneus sans air remonte au Tweel, un autre concept que Michelin avait développé il y a une dizaine d’années, mais qui n’a jamais atteint le stade de production.

Dans le cas de l’Uptis, les choses pourraient toutefois être différente­s. « Avec le Tweel, il y avait un certain compromis à faire », admet M. Cron, indiquant que le bruit de roulement était alors un grand inconvénie­nt.

Cela dit, l’Uptis serait nettement plus facile à vivre au quotidien que son prédécesse­ur. « Certaines personnes nous ont fait part d’un bruit un peu plus élevé [qu’avec un pneu normal], mais c’est très subtil », assure Steve Cron.

Cependant, l’ingénieur admet que la consommati­on d’essence peut être un tantinet compromise par l’utilisatio­n de ce pneu sans air. Étant plus lourd qu’un pneu convention­nel, l’Uptis peut également réduire légèrement la maniabilit­é du véhicule qui en est chaussé.

Bien que prometteur, le développem­ent de ce pneu sans air n’est donc pas sans défi. C’est pourquoi Michelin s’est donné un horizon de cinq ans avant de le rendre accessible au grand public. En partenaria­t avec General Motors, Michelin prévoit effectivem­ent rendre ce nouveau type de pneu accessible aux automobili­stes nord-américains.

Bref, les crevaisons sont encore là pour un petit bout !

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PHOTOS FRÉDÉRIC MERCIER
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Présenté officielle­ment cet été, le Michelin Uptis pourrait chausser des véhicules de promenade dès 2024 sur les routes nord-américaine­s.

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