Faire de la politique autrement
Enrico Ciccone a fait le saut dans l’arène politique peu après Richard Martel. Il dit donc ne pas avoir de conseils à lui donner. Mais il a un message à lui transmettre. « Tout le monde s’attend à ce qu’on pète les plombs, nous deux. Alors je dis à Richard de garder son calme. »
Martel et Ciccone ont fait le saut dans l’arène politique en l’espace de trois mois et demi. En juin 2018, Martel est sorti vainqueur d’une élection complémentaire qui a fait de lui le député conservateur de Chicoutimi–Le Fjord à Ottawa. Il a été réélu de justesse lors des élections générales qui se sont tenues à travers le pays, lundi.
Ciccone a été pour sa part élu député libéral de la circonscription de Marquette à l’Assemblée nationale du Québec, le 1er octobre 2018.
Jusque-là, les deux hommes étaient connus notamment pour avoir oeuvré dans le monde du hockey à l’époque où les gros mots et les coups de poing sur la gueule s’inscrivaient dans la norme.
Martel a été entraîneur dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec entre 1993 et 2011. Ciccone y a joué quatre ans avant de connaître une carrière de 11 saisons dans les rangs professionnels, dont les neuf dernières dans la Ligue nationale.
RETOURNE T’ASSEOIR !
Leur passage mouvementé dans le monde du hockey a eu des répercussions négatives sur leur réputation. Or, je connais Ciccone depuis assez longtemps pour dire que l’homme ne ressemblait en rien dans la vie au bagarreur qu’il était sur la glace. Il jouait alors un rôle qui était jugé nécessaire dans le hockey.
Mais il était marqué. Les impressions ont la vie dure.
En juin dernier, lorsque le whip en chef du gouvernement caquiste, Éric Lefebvre, a traversé la chambre pour aller flanquer son doigt à six pouces du visage du député libéral Marc Tanguay, Ciccone a voulu s’interposer pour amener son collègue à l’écart.
Mais il n’en a pas eu le temps. Sa voisine de banquette l’a sommé de retourner à sa place. Ciccone serait sorti grand perdant de cet épisode s’il s’en était mêlé. Il a d’ailleurs été mis en garde à cet égard quand il a pris la décision de tenter sa chance en politique.
« On m’a dit de faire attention, parce qu’en politique, tout est une question de perception », m’a raconté Ciccone, hier, entre deux sessions d’une commission parlementaire.
« On m’a dit : tu es grand, tu es gros, ton passé de joueur de hockey va te suivre. En politique, certains sont prêts à n’importe quoi pour te discréditer. »
BRASSÉ PAR ISABELLE CHAREST
L’ami avec qui j’ai eu des prises de bec endiablées sur le plateau de se comporte avec la plus grande diplomatie possible, même si la moutarde doit parfois lui monter au nez.
« Sinon ton message ne passera pas, et je veux que le mien soit productif », confie-t-il.
Mais la politique étant ce qu’elle est, des accrochages surviennent. Dans son rôle de porte-parole de l’opposition officielle en matière de sports, de loisirs et de saines habitudes de vie, il joue souvent, pour reprendre l’expression consacrée du hockey, contre l’ancienne olympienne Isabelle Charest, qui supervise ces secteurs à titre de ministre déléguée à l’Éducation au sein du gouvernement Legault.
« Moi, je suis supposé être doux, mais c’est elle qui me brasse ! » continue Ciccone en riant.
« C’est elle qui manque un peu de patience. »
COLLABORER DAVANTAGE
Ciccone estime que Mme Charest et lui devraient collaborer davantage de façon à mieux servir le public dans le sport, une cause qui leur est chère à tous les deux.
« C’est la première fois que l’on voit deux anciens athlètes de chaque côté de la chambre dans ce domaine », continue-t-il.
« Qu’est-ce qu’il y a de plus rassembleur et de meilleur pour la condition physique que le sport ? On ne fait pas de politique avec le sport. Mais quand j’ai dit ça à mes collègues au début, ils ont ri de moi.
« Aujourd’hui, ils me taquinent en me demandant comment les choses avancent. Mais je trouve ça dommage pareil. »
LOURDEUR BUREAUCRATIQUE
Avec une année d’expérience sous la ceinture, Ciccone déplore la lenteur avec laquelle les dossiers évoluent au gouvernement.
« Pour le gars d’action que je suis, j’ai bien de la misère à composer avec ça », a-t-il fait remarquer.
« Parce que je me demande constamment quelle différence je peux faire. Ça me ronge parfois en dedans. Je me ressaisis et je me dis : arrête, le grand !
Ciccone trouve son réconfort quand il travaille à son bureau de comté.
« Je me sens pas mal plus efficace à cet endroit », indique-t-il.
« On aide des personnes dans des situations de la vie quotidienne. On rencontre des gens qui ont des problèmes avec Hydro-Québec ou encore avec l’aide sociale. On est parfois en mesure de les aider immédiatement ou en 24 heures.
« Je suis aux anges dans ce tempslà. Je sens que j’ai accompli quelque chose. »
CHOSE RÉGLÉE
Rien ne dit enfin que les routes de Ciccone et de Martel ne pourraient pas se croiser un jour, même s’ils oeuvrent à des paliers de gouvernement différents.
Ciccone a déjà confronté Martel quand il était agent de joueurs au sein de l’écurie de Gilles Lupien.
« Il avait envoyé deux de mes protégés se battre contre des adversaires dans un match alors qu’ils étaient d’âge mineur, raconte-t-il.
« Je lui avais dit qu’il n’avait pas le droit de faire ça et que dans la vie, ces actes peuvent faire l’objet d’accusations criminelles. Il n’était pas content, mais après réflexion, il m’avait appelé [disant] que j’avais raison et qu’il ne poserait plus ce geste. Il ne l’a pas refait. »
C’est une preuve que des gens qui ont une vision différente de certaines situations peuvent travailler ensemble.