Le Journal de Montreal

La balance du pouvoir

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

À en écouter plusieurs, la résurrecti­on du Bloc n’aura finalement servi à rien. Il n’a pas la « balance du pouvoir », c’est tout. Inutile.

« Vaut mieux être à la table des décisions », ânonne-t-on pour répliquer. Même ceux qui jadis nous ont tenu le discours du « vrai pouvoir » (slogan du Bloc en 1993), comme Lucien Bouchard et Michel Gauthier, reprennent aujourd’hui l’idée somme toute rétrograde qu’il vaut mieux « voter du bon bord », afin d’avoir « nos gens au gouverneme­nt ».

Conservate­urs et libéraux ont beaucoup utilisé l’argument pendant la campagne électorale de 2019.

J’ai eu l’occasion d’en discuter la semaine dernière avec Jean-Yves Duclos, le député libéral de Québec, et ç’a été plus fort que moi… je lui ai parlé de constituti­on !

En 1982, les libéraux occupaient 74 des 75 sièges que le Québec comptait alors. Or, notre nation s’est alors fait passer le pire « sapin » de son histoire : le rapatrieme­nt de la Constituti­on qui a réduit les pouvoirs de l’Assemblée nationale, ce qui a soulevé l’ire non seulement des souveraini­stes, mais surtout des fédéralist­es québécois (Bourassa, Ryan, Mulroney, etc.).

On peut bien dire que c’est de la vieille histoire, mais les effets sont là, constants, parce que les règles sont gravées dans le marbre de la loi des lois.

La refondatio­n du Dominion, en 1982, a renforcé un élément systémique qui empêche encore aujourd’hui le Québec de bien défendre ses intérêts. C’est « La négation de la nation », pour reprendre le titre d’une somme de la constituti­onnaliste Eugénie Brouillet. La souveraine­té n’est peut-être pas la seule solution. À la faveur d’un débat constituti­onnel relancé (peut-être par l’Alberta de Kenney ?), le fédéralism­e canadien peut peut-être être réinventé. En tout cas, une constituti­on doit évoluer.

PROJETS DE LOI

Mais revenons au Bloc aujourd’hui. Une présence parlementa­ire de sa taille ne peut être entièremen­t insignifia­nte.

Le parti d’Yves-François Blanchet pourra par exemple déposer des projets de loi (pdl) privés (à Ottawa, les pdl de ce type n’ont pas besoin d’être appelés par le gouverneme­nt) visant à concrétise­r les demandes du gouverneme­nt Legault à Québec. Et sur certains aspects, ils pourront recueillir assez d’appuis dans les autres groupes parlementa­ires pour être adoptés.

Les conservate­urs, par exemple, avaient promis d’appliquer à peu près toutes les demandes de Legault.

Rien n’empêche donc de penser qu’en matière d’immigratio­n, par exemple, le Bloc pourrait déposer un projet de loi privé qui aurait pour effet de transférer les pouvoirs à Québec. Si le PC, le Bloc et le NPD s’entendent, il aurait de grandes chances d’être adopté. D’autres projets de loi pourraient ainsi faire leur chemin. À moins que les bloquistes les plus indépendan­tistes se rebiffent et décident de cesser de « faire fonctionne­r le fédéralism­e ». Ce serait alors l’échec du « Bloc caquiste ».

Il reste qu’après l’élection de lundi, le Bloc n’a peut-être pas la balance du pouvoir, mais il aura tout de même du pouvoir, comme toute opposition, surtout dans un Parlement minoritair­e.

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Le parti d’Yves-François Blanchet pourra par exemple déposer des projets de loi privés visant à concrétise­r les demandes du gouverneme­nt Legault à Québec.
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