Trudeau, Legault : couple dépareillé
Il faut ignorer le protocole lié au fonctionnement de la politique pour blâmer François Legault d’avoir décliné une rencontre officielle avec Yves-François Blanchet, le nouveau chef du BQ, qui siégera à Ottawa.
François Legault n’a qu’un vis-à-vis officiel, le premier ministre du Canada réélu lundi pour diriger un gouvernement minoritaire. Or nombre d’observateurs supposément non partisans soulèvent l’hypothèse que Justin Trudeau pourrait gouverner en situation minoritaire pour un plein mandat. Cela s’appelle prendre ses désirs pour la réalité.
Il est vrai que les partis sont tous sortis plus ou moins affaiblis de l’exercice électoral, sauf le BQ. Malgré le fait qu’Andrew Scheer ait obtenu plus de voix que Justin Trudeau, le chef conservateur sort perdant de l’élection. Sa capacité à diriger le Canada pose un sérieux problème. L’homme semble coincé dans un conservatisme moral qu’il a été incapable d’assumer publiquement et qui est son talon d’Achille. Son avenir politique est ainsi remis en question.
TRANSFORMATION
Jagmeet Singh s’est transformé sous nos yeux en un personnage sympathique, certes, mais léger politiquement. C’est un spécialiste des promesses sans égard aux conséquences sur l’économie. Sa laïcité enturbannée est paradoxale pour nombre d’électeurs potentiels. Et son amour pour le Québec a besoin de subir l’épreuve du temps. Quant au Bloc québécois, son chef à l’évidence prudent semble doué pour le faire naviguer dans les eaux agitées de la politique fédérale. Du moins, pour le moment.
Justin Trudeau en situation minoritaire devra composer sans effet de toge et sans arrogance avec le premier ministre Legault. Ce dernier est le politicien le plus envié du Canada avec sa popularité, qui demeure stable.
Tout départage les deux hommes. L’origine sociale : François Legault est issu d’un milieu modeste contrairement au fils de celui qui a incarné l’aristocratie politique du Canada. Justin Trudeau est en quelque sorte un dilettante alors que François Legault a construit lui-même son succès en créant Air Transat.
FUSIONNEL
Entre le donneur de leçon au sourire éclatant et à l’allure fringante, qui a séduit la planète médiatique et l’homme modeste, mais déterminé et pragmatique, qui a peu fréquenté les lieux branchés, il existe un fossé. Justin Trudeau a toujours le beau rôle, car son aura est contagieuse. Mais il devrait faire profil bas ou du moins essayer, car François Legault comme tous les modestes ne doit pas être sous-estimé. Ni politiquement ni personnellement. Il est arrivé au pouvoir à la force de sa détermination, de sa patience et muni d’un atout inestimable, inconnu de Justin Trudeau : sa sensibilité fusionnelle avec le peuple.
Justin Trudeau a suivi les traces de son père en accentuant certains traits hautains. C’est un fédéraliste centralisateur. François Legault le souverainiste s’est incliné devant l’échec des référendums. Mais il n’a pas renié le nationalisme, qui l’a toujours nourri.
Justin Trudeau doit le traiter avec tous les égards dus à sa fonction de premier ministre québécois. Ce que François Legault sait faire naturellement devant le premier ministre du Canada.
Tout départage les deux hommes