Le Journal de Montreal

Le malaise Scheer

- MARIO Économiste, animateur et chroniqueu­r Blogueur au Journal Face-àFace mario.dumont@quebecorme­dia.com

DUMONT

La logique voudrait qu’Andrew Scheer reste en poste. Lorsqu’un parti choisit un chef de 38 ans, alors que le gouverneme­nt traverse son premier mandat, l’idée est de le préparer pour plus d’une élection. Presque tous les gouverneme­nts se font réélire pour un deuxième mandat, après tout.

Cela ne veut pas dire que l’on concède la première élection. Un parti se bat bec et ongles chaque fois. Mais cela veut dire qu’on accepte que la défaite soit possible au premier essai, et que l’expérience acquise dans la défaite sera précieuse quatre ans plus tard.

PROGRÈS

De surcroît, dans le cas d’Andrew Scheer, il y a eu un progrès : les conservate­urs ont gagné 22 sièges supplément­aires, en plus de remporter plus de votes au total que Justin Trudeau, même s’ils ont moins de sièges. Tout cela en affrontant un premier ministre libéral qui battait des records de popularité un an avant le scrutin.

Mis à part une première demi-heure très éprouvante dans le

de TVA, Andrew Scheer n’est pas devenu un Gaston Lagaffe. Il n’a pas multiplié les déclaratio­ns absurdes qui l’auraient tourné en ridicule. Il a généraleme­nt paru correcteme­nt en maîtrise de ses contenus.

Bien sûr, il n’a pas beaucoup de charisme. Il n’a pas l’air aussi flamboyant que Justin Trudeau, ni aussi sympathiqu­e que Jagmeet Singh, ni aussi compétent que Stephen Harper. Mais il a un peu de tout ça.

En résumé, les élus et militants conservate­urs n’ont pas de raisons indéniable­s de montrer la porte de sortie à Andrew Scheer. Ils ne peuvent également pas le crucifier pour incompéten­ce crasse ni pour avoir mal agi, manqué d’honnêteté ou de loyauté envers son parti.

MAIS

Mais, mais, mais, arrive le plus gros MAIS. Ils sont nombreux à avoir la conviction qu’il sera tout simplement impossible de gagner avec lui. Ses positions sur l’avortement et le mariage gai sont trop lourdes à porter.

Qu’on me comprenne bien : je suis absolument convaincu que s’il avait été élu, il n’aurait pas touché à cela et rien n’aurait changé. Le problème perceptuel demeure. Ses positions passées, ses malaises, tout cela renvoie les échos d’un conservati­sme social dans lequel on a tendance à mélanger religion et politique. Et ça ne passe pas.

Cette impression crée un blocage au Québec, mais pas seulement au Québec. Par dizaines de milliers, des électeurs déçus de Justin Trudeau ont fermé leurs oreilles au message conservate­ur à cause de cela. Des femmes, des jeunes en particulie­r. Et beaucoup de conservate­urs craignent que, si une nouvelle campagne s’amorçait dans deux ans avec le même chef, ces oreilles soient toujours fermées.

Si Andrew Scheer s’était mis un doigt dans l’oeil avec une mauvaise position économique ou une réforme de l’État inquiétant­e, il serait facile de créer un comité d’experts pour revoir le programme en vue de la prochaine élection. Mais d’opinions aussi personnell­es… que faire ?

Condamner un type à cause de ses conviction­s religieuse­s est terribleme­nt ingrat. La politique aussi.

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Les positions personnell­es d’Andrew Scheer en matière de conservati­sme social vont compliquer son succès dans une bonne partie du Canada.
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