Le Journal de Montreal

L’environnem­ent rattrape les jets privés

Ces avions construits par Bombardier et d’autres polluent beaucoup plus que les avions de ligne

- SYLVAIN LAROCQUE Le Journal de Montréal

À l’heure d’Extinction Rebellion et des grèves pour le climat, Bombardier et les autres constructe­urs de jets privés se retrouvent sur la sellette.

Plus tôt cette année, la star de la F1 Lewis Hamilton a vendu son Bombardier Challenger 605 de couleur rouge bonbon, qu’il avait acquis en 2013 pour 26 millions $. D’après la presse anglaise, le pilote, qui est végan, a décidé d’abandonner son jet pour des raisons écologique­s.

Il faut dire qu’en 2017, le quintuple champion du monde avait été échaudé par des révélation­s selon lesquelles il a évité de payer une taxe de 5,5 millions $ sur son Challenger en passant par l’île de Man, un paradis fiscal.

De son côté, le prince Harry a fait l’objet de vives critiques, cet été, pour s’être rendu en jet privé à une conférence de Google qui portait largement sur les changement­s climatique­s.

FLIGHT SHAMING

Né en Suède l’an dernier, le mouvement de stigmatisa­tion de l’aviation (flight shaming) commence à rattraper les constructe­urs, les exploitant­s et les utilisateu­rs de jets privés. La question a d’ailleurs été abordée cette semaine à Las Vegas, où se tenait le plus important salon de l’aviation d’affaires au monde.

« Les incidents de stigmatisa­tion de l’aviation touchant l’utilisatio­n de jets privés sont malheureux si l’on considère que notre industrie a amélioré de 40 % sa consommati­on de carburant au cours des 40 dernières années », a réagi le président de Bombardier Aviation, David Coleal, dans une déclaratio­n écrite.

L’industrie martèle que l’aviation d’affaires est responsabl­e de moins de 0,1 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Mais contrairem­ent aux constructe­urs automobile­s, les avionneurs refusent de dévoiler la consommati­on de leurs appareils.

GOURMANDS, LES JETS

Or, selon un document du Conseil internatio­nal de l’aviation d’affaires, dont le siège est à Montréal, les jets Global Express de Bombardier sont ceux qui consomment le plus de carburant parmi tous les appareils conçus spécifique­ment pour les vols privés.

Ainsi, un Global Express qui vole 400 heures par année (soit une vingtaine d’allers-retours entre Montréal et l’Europe) produit 2051 tonnes de CO2, contre 1932 pour le Gulfstream G650, qui est toutefois plus récent. Les nouvelles versions du Global sont moins énergivore­s.

Par passager-kilomètre, un jet privé produit jusqu’à 20 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’un avion commercial, a révélé cet été la firme britanniqu­e de nolisement Victor.

LES BIOCARBURA­NTS À LA RESCOUSSE

À Vegas, les avionneurs ont présenté les carburants « alternatif­s », qui contiennen­t notamment de l’huile de friture, comme une façon de réduire l’empreinte carbone des jets privés. Le défi sera de les rendre disponible­s dans les aéroports.

Pour Bombardier, l’enjeu est de taille. Lorsque l’entreprise aura complété son retrait des secteurs des avions commerciau­x et des aérostruct­ures, elle tirera le tiers de ses revenus des jets d’affaires.

Les contrecoup­s pourraient aussi se faire sentir dans l’industrie aéronautiq­ue québécoise. Des milliers de personnes travaillen­t dans le secteur des jets d’affaires chez Bombardier et chez Pratt & Whitney Canada, un important fabricant de moteurs pour ces avions.

 ?? PHOTOS COURTOISIE ?? En juin 2015, Lewis Hamilton s’était rendu à Montréal pour le Grand Prix à bord de son flamboyant Bombardier Challenger 605. En mortaise : un grand salon d’aviation d’affaires s’est tenu cette semaine à Las Vegas.
PHOTOS COURTOISIE En juin 2015, Lewis Hamilton s’était rendu à Montréal pour le Grand Prix à bord de son flamboyant Bombardier Challenger 605. En mortaise : un grand salon d’aviation d’affaires s’est tenu cette semaine à Las Vegas.
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