Le Journal de Montreal

La boxe qui tue, la boxe qui sauve

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Ça fait 16 mois. Le conjoint de Leila Beaudoin était déjà rongé par un mal de vivre insondable. Une anxiété qui lui serrait le ventre. Il trouvait que Leila consacrait beaucoup trop de temps et de passion à la boxe. Et au ski.

Il se sentait tellement mal avec cette passion pour le sport de la jeune femme de 22 ans qu’il a fini par quitter Leila.

Elle a eu le coeur brisé parce qu’elle aimait son chum malgré son mal de vivre.

Ça faisait un mois que la séparation était consommée et Leila s’était réfugiée dans l’entraîneme­nt. Cherchant le bonheur en elle, là où les plus sages savent le trouver : « Puis, une journée, sans que je puisse dire pourquoi, j’ai eu un mauvais feeling. Vraiment mauvais. Je me suis rendu à la maison de mon ex pour voir comment il allait. J’ai ouvert la porte et je l’ai vu. Il s’était pendu dans la maison. Je pensais mourir aussi », raconte avec sobriété la jeune boxeuse.

Elle est montée dans le ring hier. Son premier combat chez les profession­nels après une belle carrière amateur. Contre Tereza Dvorakova, une Tchèque trouvée à la dernière minute par Eye of The Tiger. Sur ses jointures, elle a fait tatouer : « overcome ». Surmonter.

Leila a gagné. Ça n’avait pas vraiment d’importance. Mercredi, lors de la conférence de presse, Leila Beaudoin avait les yeux brillants. Elle m’expliquait comment elle avait surmonté les deuils qui avaient traversé sa vie depuis quelques années. Comment la boxe lui avait permis d’aller puiser en elle le bonheur et la joie de se trouver, elle. Elle heureuse. Responsabl­e de son bonheur.

Des fois, la boxe peut tuer. Quatre morts cette année dans le ring. Des fois, elle peut sauver une jeune femme et lui ouvrir la vie.

Ça se passait hier soir chez Capitale Hélicoptèr­es. Dans le fond, ce n’est jamais que de la boxe.

BETERBIEV : NON À LA CHINE

Les patrons de Top Rank n’ont pas perdu de temps. Deux ou trois jours après la victoire d’Artur Beterbiev, on appelait le champion pour lui dire de se préparer. Il allait se rendre en Chine pour affronter Fanlong Meng. Ou Meng Fanlong, c’est selon.

La réponse de Beterbiev n’a pas tardé : « La Chine, c’est non. Même si c’est beaucoup plus payant, je ne veux pas », a dit le Tchétchène à l’émissaire de Bob Arum.

La réponse a fait grand plaisir à

Marc Ramsay qui était très réticent à l’idée d’aller faire juger un combat en Chine : « Artur est au courant des graves problèmes et des injustices que vivent les musulmans en Chine. A-t-il le goût d’aller encourager des gens qui traitent les siens de cette façon ? » racontait Marc Ramsay hier en étirant un café au Bonne Entente.

Suffit de quelques recherches dans les sites politiques internatio­naux pour mesurer la dimension dramatique des problèmes des minorités musulmanes en Chine. Camps de concentrat­ion déguisés en camps d’accueil, islam traité comme une maladie mentale, disons que le parti communiste joue la totale.

JEAN PASCAL ET BADOU JACK

Badou Jack et Jean Pascal vont s’affronter le 28 décembre à Atlanta. Le gagnant sera opposé au gagnant du combat entre Artur Beterbiev et Fanlong Meng.

Autrement dit, c’est fort possible que Jean Pascal se retrouve face à Beterbiev quelque part en juin prochain. Ayoye.

Je pense que Badou Jack sera favori contre Pascal. Mais Jack n’est pas un grand cogneur, on l’a vu contre Lucian Bute contre qui il a fait match nul à Washington et contre Adonis Stevenson qui a complété les 12 rounds pour gagner par décision.

Badou Jack est le protégé de Floyd Maeweather et ce n’est jamais bon pour un adversaire aux États-Unis. À Toronto, Maeweather se levait pour aller parler aux juges pendant le combat et mener le show d’un bout à l’autre.

Ça risque d’être pire à Atlanta. Mais Jean Pascal, qui a livré son « combat » de retraite à Miami le 8 décembre 2017, ne cesse de reculer les limites du temps et du raisonnabl­e. Champion régulier de la WBA, vainqueur surprise de Marcus Browne, le sacré Jean a toujours quelques tours dans sa besace. Il a des chances de gagner. Comment écrire le contraire ?

Marc Ramsay grimace. La dernière chose au monde qu’il souhaite, c’est de se retrouver face à Pascal dans le coin d’Artur Beterbiev. Ramsay vit dans la hantise de voir Pascal se faire blesser gravement dans un ring.

Il a connu Jean Pascal jeune adolescent et s’est rendu au championna­t du monde avec lui. Il l’aime encore comme un fils.

Le voir affronter une bête du ring comme Beterbiev…

Juste pas le goût…

BETERBIEV : TRAITEMENT ROYAL

J’ai vu et revu les images d’Artur Beterbiev reçu hier par le président de la Tchétchéni­e à Grozny, la capitale de la république. C’était à la télévision russe. Jet privé, énormes limousines, splendides édifices qui respirent encore les extravagan­ces de l’ère soviétique, Artur a été reçu comme un chef d’État. Ou un roi. Il était accompagné de sa mère.

On lui a même offert une Mercedes. C’est la troisième qu’il reçoit. C’est sans doute son frère qui va la garder.

On voit notre Montréalai­s avec le président, un pas facile à vivre, avec l’iman et avec d’autres grands notables politiques et religieux. Des haies d’honneur, des militaires, des drapeaux de la république, c’est très impression­nant.

Et Artur se promène avec sa ceinture IBF et avec ceinture verte de la WBC que lui a généreusem­ent prêtée Aleksandr Gvozdik après sa défaite.

Une grande cérémonie pour un grand champion unifié.

À Philadelph­ie, Artur a eu droit à la visite de l’ancien maire Denis Coderre.

Je voudrais souligner pour Valérie Plante qu’Artur sourit dans la vie privée. Il fait son travail avec un visage sérieux, mais on n’est pas obligé d’avoir un sourire insignifia­nt sur la job pour être champion.

En plus, toujours pour Smiling Val,

Artur a terminé ses études de droit. Il sait écrire. Il pourrait même signer un livre d’or…

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PHOTO DIDIER DEBUSSCHÈR­E Leila Beaudoin lors de son combat d’hier soir contre Tereza Dvorakova.
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