Le Journal de Montreal

Une famille écorchée par le système

- MAGALIE LAPOINTE

« Inhumain et invivable », c’est ainsi que les proches d’Isabelle Lavoie décrivent le calvaire qu’ils vivent depuis qu’elle a été assassinée par son ex-conjoint, Maxime Labrecque, il y a trois ans. Le poids des procédures judiciaire­s les empêche de faire leur deuil, malgré le fait que son meurtrier a pris le chemin de la prison.

Une semaine après que le verdict de culpabilit­é de meurtre prémédité soit tombé, la mère d’Isabelle Lavoie, Lise Castonguay, son beaupère, Richard Tétreault, son père, Sylvain Lavoie et sa soeur, Mélanie Lavoie, sont encore loin d’avoir trouvé la paix.

« Justice n’est pas rendue. Ma fille n’est plus là. Elle ne sera plus jamais là », lance Sylvain Lavoie.

Réunis dans la maison de Lise Castonguay et son conjoint ils ont accordé au Journal une entrevue de plus de quatre heures.

« Ç’a juste détruit notre famille. Il est venu arracher un gros morceau », confie Lise Castonguay.

« Pour la première fois de ma vie, j’ai haï quelqu’un... Je ne lui pardonnera­i jamais », renchérit Mélanie Lavoie.

UN CRIME VIOLENT

Dans la nuit du 12 au 13 septembre 2016, Maxime Labrecque a tué son ex-conjointe et mère de ses deux enfants.

Isabelle Lavoie l’avait quitté trois semaines plus tôt, après 15 ans de vie commune. Incapable de digérer la séparation, l’homme, qui avait alors 34 ans, a fracassé la vitre du logement où résidait son ex et s’y est introduit. Il lui a asséné près de 30 coups de couteau, principale­ment au coeur et à la gorge, avant d’essayer de se suicider.

« Il savait qu’il ne pourrait plus jamais l’avoir. Il s’est dit : si moi je ne peux plus l’avoir, il n’y a plus personne qui l’aura », sanglote Mélanie Lavoie.

Sa soeur a été retrouvée en position foetale, son bourreau gisant à ses côtés, avec d’importante­s blessures.

« Elle a souffert, on le sait qu’elle a souffert. Ça, ces images-là, ça va rester. Un enfant qui a peur, le réflexe qu’il a est de se mettre en position foetale », souffle-t-elle.

« Ce qu’il lui a fait, dans ma tête, un humain n’est pas capable de faire ça. »

DES PROCÉDURES ÉPUISANTES

Il aura fallu trois ans avant que le procès de Maxime Labrecque débute.

« C’est beaucoup trop long, beaucoup trop éprouvant pour les familles, dénonce le beaupère d’Isabelle Lavoie, Richard Tétreault. Quand c’est arrivé, il y a trois ans, on était complèteme­nt à terre. On commençait à peine à se remettre sur nos genoux. Là, il y a eu le procès, on est retombé à terre » explique-t-il.

Même si la victime est décédée, ses proches ne pouvaient pas relater au tribunal les nombreuses fois où Isabelle Lavoie leur a confié qu’elle craignait son ex. Le jury devait rendre son verdict en se basant sur les faits uniquement.

« Mais qui veux-tu qui les rapportent ? Ma soeur est morte. Alors que lui (Labrecque), il a eu trois ans pour peaufiner son histoire et il pouvait prendre des notes tout au long du procès », dénonce Mélanie Lavoie.

Le processus a été hautement frustrant pour eux et leur deuil est d’autant plus difficile à faire qu’ils ont l’impression de ne pas avoir été entendus.

« L’accusé a tous les pouvoirs. Nous, on doit tout faire pour prouver qu’il l’a tuée. Il a été retrouvé à terre à côté d’elle, il lui a donné 30 coups de couteau, mais on n’est pas sûr que ce soit lui qui a fait ça. Ben voyons ! lance Richard Tétreault avec colère. C’est ridicule ! »

UN PROCÈS QUI N’A PAS DE FIN

Le 19 octobre, Maxime Labrecque a été condamné à la prison à perpétuité, sans possibilit­é de libération avant 25 ans. Son avocat, Me Martin Latour, déposera toutefois une requête pour qu’il soit plutôt admissible à une libération après 15 ans.

La famille d’Isabelle Lavoie ne peut pas croire qu’elle devra encore se rendre au palais de justice.

« Le procès vient de se terminer et je suis malade. Tout sort. Étrangemen­t, je vais moins bien. On a peur », explique Lise Castonguay.

« Normalemen­t, après le procès, on aurait dû se sentir mieux et libérés. Mais là, il y a encore un petit doute qui nous trotte dans la tête. On n’est pas soulagés », constate son conjoint.

Pour ajouter à leur peine, la situation avec les enfants de l’ex-couple est complexe et très douloureus­e. Une ordonnance de non-publicatio­n, pour protéger leur identité, nous empêche toutefois d’en divulguer les détails.

«ZAZA»

Celle qu’ils surnommaie­nt « Zaza » avait 31 ans lorsque Maxime Labrecque l’a arrachée àlavie.

Depuis sa séparation, ses proches la sentaient revivre. « Elle m’a dit : “maman, je suis libre maintenant”. Je l’ai serrée dans mes bras et je lui ai dit que j’étais contente », se souvient Lise Castonguay.

Elle venait tout juste d’obtenir son permis de conduire et de finir son secondaire 5. Elle voulait s’inscrire au cégep pour devenir comptable ou psychologu­e. C’était le début d’une nouvelle vie.

Mais dans les jours précédant le drame, Isabelle Lavoie était de plus en plus craintive de son ex, qui venait frapper dans ses fenêtres au milieu de la nuit, selon ce qui a été révélé en cour. La veille du meurtre, elle avait fait changer la serrure de l’appartemen­t. Elle voulait obtenir une ordonnance restrictiv­e pour se protéger de lui.

« Peux-tu t’imaginer avoir le sentiment d’être libre et avoir peur en même temps ? C’est ça qu’elle a vécu. Elle était soulagée de l’avoir laissé. Elle avait plein de rêves », se rappelle la soeur de la victime.

Cette dernière n’oubliera jamais les paroles de sa soeur lorsqu’elle l’a vue deux jours avant son décès.

« Ma soeur m’a dit :

“c’est de la méchanceté qu’il a dans ses yeux” », regrette-t-elle.

 ??  ?? Assassinée par son ex-conjoint
Assassinée par son ex-conjoint
 ?? PHOTO MAGALIE LAPOINTE ?? Les proches d’Isabelle Lavoie, son beaupère Richard Tétreault, son père Sylvain Lavoie, sa mère Lise Castonguay et sa soeur Mélanie Lavoie sont réunis autour du portrait de la défunte, assassinée par son ex-conjoint en 2016.
PHOTO MAGALIE LAPOINTE Les proches d’Isabelle Lavoie, son beaupère Richard Tétreault, son père Sylvain Lavoie, sa mère Lise Castonguay et sa soeur Mélanie Lavoie sont réunis autour du portrait de la défunte, assassinée par son ex-conjoint en 2016.

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