La Syrie, tout ça pour ça ?
La fin approche. La fin de la guerre civile syrienne, un calvaire de plus de huit ans responsable de la mort de 400 000 personnes, de l’exil de plus de cinq millions de Syriens et de la destruction totale d’un nombre incalculable de résidences, de commerces, de villages et de villes. Et la victoire va… au plus cruel !
De tous les conflits, il y a des leçons à tirer. Dans le meilleur des cas, on lance des « Plus jamais ! » sentis. Quel exemple la guerre syrienne risque de servir !
Les États-Unis, en abandonnant les Kurdes, ont bafoué les valeurs de solidarité et de fiabilité qui raffermissent les meilleures alliances et assurent un minimum de stabilité dans le monde.
C’est aussi le triomphe du « Au plus fort la poche », puisqu’au moment où la patience du président turc Recep Tayyip Erdogan a pris fin, il a tout simplement annoncé qu’il envahissait son voisin, la Syrie, et il l’a fait. Il en avait les moyens militaires — notamment grâce à 67 ans de participation à l’OTAN — et l’effronterie.
Surtout, quel exemple pour les autocrates, tyrans et autres bourreaux du Moyen-Orient et d’ailleurs ! Bachar al-Assad a torturé, tué, démoli, détruit son peuple et ses avoirs depuis 2011,
non-stop ! Résultat, il pourra bientôt crier victoire.
RIEN DE BON EN VUE
Le président Trump, en annonçant en décembre dernier qu’il allait retirer les soldats américains de Syrie — au risque d’en perdre James Mattis, son secrétaire à la Défense — puis en passant à l’acte au cours des derniers jours, s’est assuré que les États-Unis n’allaient pas avoir leur mot à dire sur la suite et fin de cette tragédie syrienne.
Se retrouvant à Sotchi, en Russie, mardi dernier, les présidents russe et turc ont scellé un pacte en dix points qui garantit, entre autres, à la Turquie le contrôle d’une bande de territoire de trente kilomètres de profondeur le long de la frontière syrienne.
Les combattants kurdes qui ont aidé les forces internationales à anéantir les extrémistes de l’État islamique vont devoir en partir avec leur équipement sous le bras. Out, les Kurdes !
In, les réfugiés arabes que la Turquie avait accueillis ! Déplacement massif de population et épuration ethnique en perspective… rien de rassurant !
Le président américain — dans sa soi-disant « grande et incomparable sagesse » — a offert aux Kurdes de se déplacer dans l’extrême nord-est de la Syrie, là où les États-Unis comptent finalement garder des troupes pour sécuriser les installations et champs pétroliers.
Parallèlement au fait que le secteur est peuplé d’Arabes peu sympathiques à l’idée d’une telle migration kurde, Trump gardera, tout compte fait, des soldats américains dans le coin… pas pour sauver des vies, mais préserver des barils de pétrole. Méchante morale !
CARNAGE ET PATIENCE, LA RECETTE !
L’aspect le plus déconcertant — et répugnant — de ce grand portrait, c’est que Bachar al-Assad et son régime non seulement sont parvenus à survivre à huit années de massacres, mais peuvent prétendre avoir remporté leur morbide pari.
Assad, son armée et ses partisans ne se sont pas contentés de livrer bataille contre leurs ennemis. Lundi dernier, le Syrian Network for Human Rights a publié un rapport affligeant sur les méthodes de torture employées dans les centres de détention et les hôpitaux militaires contrôlés par Damas.
Sous des titres tels « Torturer en écrasant, taillant, arrachant et poignardant » ou encore « Torturer par le feu, l’huile et les objets brûlants », l’ONG décrit comment près de 14 000 personnes ont péri aux mains de leurs bourreaux et des centaines de milliers d’autres ont été marqués dans leur chair et traumatisés à jamais par ce que d’autres compatriotes leur ont fait subir.
La leçon syrienne n’échappera pas aux despotes en manque d’idées partout dans le monde : la cruauté, avec le temps, finit par payer.