LA POLICE DES CONTRATS MANQUE DE MORDANT
Des compagnies coupables d’infractions fiscales ont facilement obtenu des contrats publics
Quatre ans après la fin de la commission Charbonneau, il est encore facile pour des entreprises délinquantes de passer entre les mailles des filets de la police des contrats publics.
Depuis 2012, le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA) sert à bannir les entreprises coupables de certaines infractions, comme la corruption et la fraude.
Notre Bureau d’enquête a découvert des failles importantes dans ce registre.
Par exemple, une entreprise de Châteauguay a réussi à conclure des contrats de plus d’un million de dollars avec trois villes, car elle n’avait pas été inscrite au RENA même si ses propriétaires avaient été reconnus coupables d’infractions fiscales.
À la suite de nos appels, la firme en question, Les Sols Verelli inc., vient d’être exclue des marchés publics pour une période de cinq ans. Et deux villes, Châteauguay et Beauharnois, ont dû résilier en catastrophe leur contrat.
MAIRE EMBÊTÉ
Dans le cas de Beauharnois, la Ville avait embauché l’entreprise pour déneiger ses routes de campagne et s’est donc retrouvée le bec à l’eau à quelques semaines de la première tempête de neige.
Pour le maire de Beauharnois, Bruno Tremblay, cette résiliation de contrat est d’autant plus frustrante qu’il connaissait le passé des propriétaires de la firme, mais qu’il n’avait pas le pouvoir d’agir.
« Je suis obligé de m’en remettre au RENA avant de donner un contrat. J’aimerais qu’il soit, disons, un peu plus dynamique pour que ce genre de situation ne nous arrive plus à minuit moins cinq », a-t-il commenté.
Les Sols Verelli ont pu échapper à la liste noire du gouvernement parce qu’une simple fiducie cachait l’un des deux propriétaires (voir encadré).
La Loi sur les contrats des organismes publics permet de faire des vérifications uniquement sur les personnes, et non les fiducies, qui sont propriétaires d’une compagnie.
Personne au RENA n’a vérifié qui se cachait derrière cette fiducie. Il aurait fallu que les propriétaires se dénoncent eux-mêmes.
D’AUTRES CAS POSSIBLES
Joint au téléphone, l’un des deux propriétaires, Stéphane Laberge, a rejeté la faute sur le gouvernement du Québec.
Selon lui, c’est le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT), responsable du registre jusqu’en 2018, qui n’a pas fait de vérifications suffisantes.
« Quand [notre groupe d’entreprises] est tombé sur le RENA, on a reçu un questionnaire du Conseil du trésor. C’étaient des questions très précises et j’ai répondu de façon très précise. Sauf que je pense qu’ils ont oublié de poser certaines questions. Et ce n’était pas à moi de le leur dire », a-t-il commenté.
Le SCT affirme avoir été limité par la Loi sur les contrats publics qui ne « prévoit pas » la présence d’une fiducie parmi les actionnaires d’une firme.
« Il est possible que d’autres cas similaires aient pu survenir », a affirmé le porte-parole Jean Auclair.