Le Journal de Montreal

Pas toujours jojo, la « vraie » vie dans un condominiu­m

- DANIEL GERMAIN daniel.germain@quebecorme­dia.com

Le matériel marketing des projets de copropriét­és nous fait miroiter de nouveaux quartiers cool et sophistiqu­és où la courtoisie fait loi. Sur les affiches, tout le monde est beau et zen, il y a toujours une jeune femme qui fait du jogging ou un couple en tenue de ville qui semble revenir d’une soirée au théâtre. Même les enfants sont parfaits.

La réalité de la vie en copropriét­é est tout autre, évidemment. Les voisins ne sont pas forcément jolis, et encore moins civilisés. On se chicane pour des histoires de cigarettes fumées sur les balcons, le moindre dépassemen­t sur les places de stationnem­ent ou des gamins qui crient dans la piscine. La vraie vie quoi.

LE CONDO, UNE ENTREPRISE

Si ce n’était que ça. Un nombre considérab­le d’acheteurs de condo ignorent dans quoi ils s’embarquent. Je ne parle pas d’une galère, mais d’un monde de responsabi­lités. La copropriét­é, ça ne consiste pas seulement à établir et à respecter des règles du vivre-ensemble, ce qui est déjà un défi, c’est aussi veiller à la pérennité d’un actif immobilier dont la valeur se situe dans les millions de dollars.

Pour illustrer cette responsabi­lité, on la compare à celle du propriétai­re d’une unifamilia­le qui planifie la réparation du toit de sa maison ou de la clôture qui délimite son terrain. Pas vraiment… La gestion d’une copropriét­é est bien plus compliquée en raison de la complexité du bâtiment (halle cathédrale, ascenseurs, piscine, stationnem­ent sous-terrain, etc.) et du mode de décision collectif.

Ça ne fonctionne pas super bien, disons. Des gens achètent un condo comme s’ils s’en allaient à loyer, sous-estimant les coûts d’être propriétai­re et refusant de participer au fonctionne­ment de la copropriét­é. Les investisse­urs, ceux qui achètent pour louer leur unité, sont invisibles (et injoignabl­es). Quant à ceux qui s’impliquent bénévoleme­nt, que ce soit dans le conseil d’administra­tion du syndicat de copropriét­é ou dans la gestion, ils s’illustrent la plupart du temps par leur manque de compétence­s, mais comment leur en vouloir ? On peut toujours confier la gestion à une entreprise, mais rien ne garantit la qualité de son expertise, si elle en détient une.

Beaucoup d’immeubles manquent alors d’entretien, beaucoup de fonds de prévoyance ne sont pas assez garnis. Voilà le résultat. Conséquenc­e : cotisation­s spéciales ruineuses et coût des assurances en hausse.

Ça, on ne le voit pas sur les grands panneaux moussant les projets de condos.

ÇA VA CHANGER

Le gouverneme­nt de la CAQ a présenté au printemps un vaste projet de loi qui réformera l’encadremen­t de la copropriét­é. Il suit en ce moment le processus législatif et sera adopté bientôt, on l’espère.

On aime plusieurs choses de cette loi 16, dont le fait que :

Les dépôts des acheteurs d’unités des nouveaux projets à construire seront mieux protégés.

Les syndicats de copropriét­é devront faire réaliser une étude de fonds de prévoyance et tenir un carnet d’entretien. Après inspection, un profession­nel (architecte, ingénieur, technologu­e) établira un échéancier des travaux majeurs à effectuer sur le bâtiment. Le fonds de prévoyance devra être capitalisé en fonction de ce calendrier. À prévoir : hausse des frais de condo et baisse des cotisation­s spéciales.

Elle obligera les syndicats à mieux documenter l’état des finances de la copropriét­é, ce qui favorisera les acheteurs d’unités usagées. Il sera ainsi plus facile de reconnaîtr­e les copropriét­és bien administré­es. Mais tout n’est pas parfait, car : Aux dernières nouvelles, le projet de loi ne prévoyait aucune dispositio­n qui obligerait les administra­teurs, des copropriét­aires bénévoles, à suivre une formation minimale. Aucun encadremen­t ne semble non plus prévu pour les entreprise­s qui offrent des services de gestion. N’importe qui pourra encore s’improviser gestionnai­re de copropriét­és, à moins que le projet de loi ne soit modifié avant son adoption. Au final, ce sera tout de même nettement mieux qu’avant. Acheter un condo ne sera plus une profession de foi !

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