Pas toujours jojo, la « vraie » vie dans un condominium
Le matériel marketing des projets de copropriétés nous fait miroiter de nouveaux quartiers cool et sophistiqués où la courtoisie fait loi. Sur les affiches, tout le monde est beau et zen, il y a toujours une jeune femme qui fait du jogging ou un couple en tenue de ville qui semble revenir d’une soirée au théâtre. Même les enfants sont parfaits.
La réalité de la vie en copropriété est tout autre, évidemment. Les voisins ne sont pas forcément jolis, et encore moins civilisés. On se chicane pour des histoires de cigarettes fumées sur les balcons, le moindre dépassement sur les places de stationnement ou des gamins qui crient dans la piscine. La vraie vie quoi.
LE CONDO, UNE ENTREPRISE
Si ce n’était que ça. Un nombre considérable d’acheteurs de condo ignorent dans quoi ils s’embarquent. Je ne parle pas d’une galère, mais d’un monde de responsabilités. La copropriété, ça ne consiste pas seulement à établir et à respecter des règles du vivre-ensemble, ce qui est déjà un défi, c’est aussi veiller à la pérennité d’un actif immobilier dont la valeur se situe dans les millions de dollars.
Pour illustrer cette responsabilité, on la compare à celle du propriétaire d’une unifamiliale qui planifie la réparation du toit de sa maison ou de la clôture qui délimite son terrain. Pas vraiment… La gestion d’une copropriété est bien plus compliquée en raison de la complexité du bâtiment (halle cathédrale, ascenseurs, piscine, stationnement sous-terrain, etc.) et du mode de décision collectif.
Ça ne fonctionne pas super bien, disons. Des gens achètent un condo comme s’ils s’en allaient à loyer, sous-estimant les coûts d’être propriétaire et refusant de participer au fonctionnement de la copropriété. Les investisseurs, ceux qui achètent pour louer leur unité, sont invisibles (et injoignables). Quant à ceux qui s’impliquent bénévolement, que ce soit dans le conseil d’administration du syndicat de copropriété ou dans la gestion, ils s’illustrent la plupart du temps par leur manque de compétences, mais comment leur en vouloir ? On peut toujours confier la gestion à une entreprise, mais rien ne garantit la qualité de son expertise, si elle en détient une.
Beaucoup d’immeubles manquent alors d’entretien, beaucoup de fonds de prévoyance ne sont pas assez garnis. Voilà le résultat. Conséquence : cotisations spéciales ruineuses et coût des assurances en hausse.
Ça, on ne le voit pas sur les grands panneaux moussant les projets de condos.
ÇA VA CHANGER
Le gouvernement de la CAQ a présenté au printemps un vaste projet de loi qui réformera l’encadrement de la copropriété. Il suit en ce moment le processus législatif et sera adopté bientôt, on l’espère.
On aime plusieurs choses de cette loi 16, dont le fait que :
Les dépôts des acheteurs d’unités des nouveaux projets à construire seront mieux protégés.
Les syndicats de copropriété devront faire réaliser une étude de fonds de prévoyance et tenir un carnet d’entretien. Après inspection, un professionnel (architecte, ingénieur, technologue) établira un échéancier des travaux majeurs à effectuer sur le bâtiment. Le fonds de prévoyance devra être capitalisé en fonction de ce calendrier. À prévoir : hausse des frais de condo et baisse des cotisations spéciales.
Elle obligera les syndicats à mieux documenter l’état des finances de la copropriété, ce qui favorisera les acheteurs d’unités usagées. Il sera ainsi plus facile de reconnaître les copropriétés bien administrées. Mais tout n’est pas parfait, car : Aux dernières nouvelles, le projet de loi ne prévoyait aucune disposition qui obligerait les administrateurs, des copropriétaires bénévoles, à suivre une formation minimale. Aucun encadrement ne semble non plus prévu pour les entreprises qui offrent des services de gestion. N’importe qui pourra encore s’improviser gestionnaire de copropriétés, à moins que le projet de loi ne soit modifié avant son adoption. Au final, ce sera tout de même nettement mieux qu’avant. Acheter un condo ne sera plus une profession de foi !