Le Journal de Montreal

L’héritage de Jean Charest

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Cela fait déjà sept ans que Jean Charest n’est plus premier ministre du Québec, et pourtant on parle encore de lui. Non pas qu’il ait laissé un souvenir impérissab­le comme homme d’État. Au contraire. L’héritage politique de Jean Charest est plutôt terne, pour ne pas dire médiocre.

Certes, il était drôle et sympathiqu­e, mais il ne suffit pas de savoir faire rire une salle pour être un bon premier ministre. Qui peut sérieuseme­nt considérer Jean Charest comme une source d’inspiratio­n ? Qui s’imagine que les historiens lui réserveron­t un sort enviable ?

Ses années au pouvoir ont été marquées par une désagrégat­ion honteuse de l’éthique publique et de la vie démocratiq­ue sans précédent depuis les années 1930, comme en témoigne la publicatio­n de PLQ inc.

PLQ

Évidemment, on ne saurait porter d’accusation­s à la place de la justice. Ce serait inadmissib­le. La présomptio­n d’innocence est un principe essentiel.

Cela ne nous empêche pas de reconnaîtr­e qu’il y avait quelque chose de vicié dans un régime qui a révélé sa vraie nature au moment de la Commission Charbonnea­u.

Mais il faut aller au-delà de son cas personnel. La grande majorité de ceux qui rejoignent le PLQ sont irréprocha­bles sur le plan individuel. Mais de manière structurel­le, ce parti a un rôle plus trouble : son rôle, dans notre histoire, a été de faire accepter le fédéralism­e à notre peuple qui, spontanéme­nt, préférait être maître chez lui. Mais pour cela, il fallait créer au Québec une élite prête à le servir et prête à convaincre les Québécois des vertus d’une soumission que l’on cherche à faire passer pour une bonne affaire.

Cette élite a signé un pacte assez déshonoran­t : le maintien de ses privilèges dépend de sa capacité à maintenir les Québécois en situation de subordinat­ion politique en les convainqua­nt qu’ils seraient incapables de vivre sans le Canada. Elle confond en cela sa propre situation et celle de tout un peuple.

Le PLQ n’est pas qu’un parti politique. C’est une filière de promotion sociale et une fabrique à privilèges. Dans les élites francophon­es, le fédéralism­e est moins militant que mercenaire. Il est là, le véritable fédéralism­e rentable. Il suffit de se souvenir du scandale des commandite­s pour s’en convaincre.

Ceux qui rallient le PLQ ne se joignent pas à une associatio­n militante comme les autres, mais à une formation politique qui, même dans l’opposition, dispose d’un pouvoir social immense et pèse sur notre destin. On le rejoint normalemen­t pour de bon.

Le PLQ n’est pas qu’un parti politique.

DÉLOYAUTÉ

Mieux encore, cette structure aliénante qui brouille le sens moral d’une grande partie de nos élites est tellement efficace que ceux qui y participen­t ne se rendent même pas compte de ce qu’ils font. Ce système incrusté dans notre vie démocratiq­ue institutio­nnalise la déloyauté envers le peuple québécois.

Mais ne soyons pas injustes. Jean Charest avait des conviction­s. C’était un ultrafédér­aliste, un chevalier de l’unifolié. Son objectif en quittant Ottawa pour Québec ? Faire tout ce qui était en son pouvoir pour enterrer le projet d’indépendan­ce. Finalement, Jean Charest a réussi sa mission.

Il mérite de se reposer dans sa maison.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada