LES AMÉRICAINS VEULENT CE FERMIER
Soupçonné d’avoir fait passer 35 tonnes de pot par sa terre
Un agriculteur québécois qui aurait utilisé ses terres à la frontière américaine pour y exporter des dizaines de tonnes de cannabis pourrait bientôt devoir à nouveau se rendre aux États-Unis, mais cette fois pour y être jugé.
« Il utilisait son équipement de ferme, des quads, des motoneiges et des véhicules tout-terrain ; de 2002 à 2013, le complot a rapporté des centaines de milliers de dollars », affirme une procureure de l’État de New York, dans la demande d’extradition d’Andrew Schueppel, déposée récemment au palais de justice de Montréal.
Schueppel, 49 ans, n’a pourtant rien d’un important exportateur de drogue. Sur internet, il s’affiche avec son équipement de ferme, sa déneigeuse, tout en mettant en ligne des photos de ses animaux de compagnie.
Sauf que sa ferme à Godmanchester, non loin de Huntingdon en Montérégie, est stratégiquement située pour ceux qui veulent faire passer de la drogue du Canada aux États-Unis.
« La frontière passe à travers son terrain, et cette partie n’est pas surveillée », expliquent les autorités américaines.
C’est entre autres pour cela que vers 2002, Schueppel a été approché par un groupe criminel [non identifié dans les documents de cour] afin de s’adonner à l’exportation de cannabis.
ENTRE VOISINS
Schueppel, surnommé « The Kid » par ces trafiquants, aurait alors accepté, tout comme son voisin à la frontière, un certain Lee Smith.
« Schueppel arrangeait les livraisons avec Smith, affirment les autorités américaines. Selon un membre de l’organisation [devenu délateur], ils se parlaient avec des walkies-talkies et utilisaient des mots de code tels que des “rencontres café” pour signaler que la voie était libre et sécuritaire. »
Pendant des années, Schueppel et Smith auraient échangé des sacs de hockey remplis de pot québécois en échange de dollars. Et ce, même s’il y a eu des dissensions sur le type de devise. Le problème aurait vite été réglé puisque de toute façon, l’argent aurait été blanchi, entre autres au casino.
À en croire des membres du groupe devenus délateurs, le trafic semblait rouler rondement. En fait, c’est Schueppel qui aurait freiné les opérations en refusant de faire plus de deux ou trois chargements par semaine.
« Il va falloir parler au Kid [Schueppel] », aurait d’ailleurs déjà dit l’un d’eux, ajoutant que Schueppel se plaignait parfois de la boue et de la neige, ce qui compliquait les livraisons.
SOUS DU FOIN
D’ailleurs, même si le trafic se faisait sur des terrains privés, il semblerait que Schueppel ne prenait pas de risques, selon les autorités américaines.
Lors d’une conversation qui était sur écoute électronique, un coursier se serait plaint que la drogue était cachée sous une pile de foin et qu’il devait « fouiller là-dedans », ce qui était éreintant.
Un délateur affirme avoir aidé à transporter un total de 40 000 livres de pot, soit près de 20 tonnes, tandis qu’un autre a affirmé avoir fait des livraisons allant jusqu’à 200 livres, de façon bihebdomadaire pendant trois ans, ce qui équivaudrait à environ 15 tonnes de cannabis.
Schueppel et son voisin Smith sont tombés dans la mire des autorités en 2010, lorsque, durant une patrouille, des agents des services frontaliers des États-Unis ont remarqué les deux hommes.
« Ils étaient du côté sud de la frontière, derrière des buissons, a affirmé un des agents. Schueppel était sur un tout-terrain avec des sacs de hockey en arrière. »
LA POUDRE D’ESCAMPETTE
Les agents se sont alors dirigés vers le duo, mais Schueppel aurait pris la poudre d’escampette vers le Canada. Sauf qu’en prenant la fuite, il aurait fait tomber un des sacs, qui contenait du cannabis.
Une longue enquête de la puissante Drug Enforcement Administration [DEA] américaine s’en est suivie, qui a permis d’épingler petit à petit les membres du réseau.
Et des années plus tard, c’est maintenant Schueppel qui est dans leur mire pour trafic de stupéfiants.
Le dossier de Schueppel doit revenir au palais de justice de Montréal ce matin.