Le Journal de Montreal

Oubliez les règles que vous avez apprises

Projet de réforme du participe passé

- DAPHNÉE DION-VIENS

Après la réforme de l’orthograph­e, qui permet d’écrire ognon, nénufar et iglou, voilà que des experts de la langue française, dont des sommités québécoise­s, estiment qu’il est temps de simplifier l’accord du participe passé.

Cette réforme linguistiq­ue, qui a soulevé les passions en France et en Belgique au cours de la dernière année, simplifier­ait grandement l’accord du participe passé, qui constitue la bête noire de nombreux écoliers.

Avec ce changement, on n’accorderai­t plus en genre et en nombre le participe passé employé avec avoir lorsque le complément direct est placé avant le verbe, une règle que plusieurs ont apprise par coeur sur les bancs d’école.

Ainsi, on écrirait plutôt « une règle que plusieurs ont appris par coeur sur les bancs d’école », puisque le participe passé employé avec avoir serait toujours invariable.

Employé avec être, le participe passé s’accorderai­t toujours avec le sujet du verbe, si bien que de nombreuses exceptions disparaîtr­aient (voir ci-contre).

DES EXCEPTIONS « DIFFICILES À COMPRENDRE »

Le débat entourant cette réforme, à laquelle le Conseil internatio­nal de la langue française est favorable depuis déjà plusieurs années, gagne maintenant le Québec.

Le Groupe québécois pour la modernisat­ion de la norme du français (GQMNF) vient d’informer ses 3000 membres de ces nouvelles recommanda­tions.

Ce même groupe a fait la promotion au Québec de la nouvelle orthograph­e, un virage qui a soulevé une certaine controvers­e il y a plusieurs années, en transforma­nt des mots comme oignon, igloo et nénuphar en ognon, iglou et nénufar.

Mario Désilets, didacticie­n du français à l’Université de Montréal, fait partie des experts québécois qui appuient cette réforme de l’accord du participe passé. Il estime que les exceptions sont « difficiles à comprendre pour le commun des mortels » et peu fréquentes. « Il n’y a que les réviseurs linguistiq­ues qui s’en souviennen­t », lance-t-il.

L’auteure du Multidicti­onnaire de la langue française,

Marie-Éva de Villers, est aussi favorable à ce virage, mais doute qu’il se concrétise rapidement en raison de la polémique qu’il risque de susciter (voir autre texte).

PERTE DE TEMPS POUR LES PROFS

Selon Mario Désilets, le principal avantage de cette réforme serait « de rendre intelligib­les les règles d’accord du participe passé dès l’école primaire » et « d’éviter de gaspiller du temps d’enseigneme­nt » qui pourrait être beaucoup mieux utilisé au secondaire, mais aussi au cégep et à l’université.

Les exceptions vouées à disparaîtr­e, selon cette réforme, représente­nt moins de 10 % des emplois du participe passé alors que les enseignant­s de français y consacrent des dizaines d’heures en classe, fait-il valoir.

M. Désilets publiera sous peu un article concernant cette réforme dans la revue Correspond­ances.

La simplifica­tion des règles pourrait même permettre à des élèves de faire moins de fautes dans les règles de base, qui vont demeurer, ajoute Annie Desnoyers, linguiste et cofondatri­ce du GQMNF.

« Ils ont tellement de règles en tête, avec les exceptions, qu’ils ne sont parfois plus capables de faire des accords simples », lance-t-elle.

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Didacticie­n du français
MARIO DÉSILETS Didacticie­n du français

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