Oubliez les règles que vous avez apprises
Projet de réforme du participe passé
Après la réforme de l’orthographe, qui permet d’écrire ognon, nénufar et iglou, voilà que des experts de la langue française, dont des sommités québécoises, estiment qu’il est temps de simplifier l’accord du participe passé.
Cette réforme linguistique, qui a soulevé les passions en France et en Belgique au cours de la dernière année, simplifierait grandement l’accord du participe passé, qui constitue la bête noire de nombreux écoliers.
Avec ce changement, on n’accorderait plus en genre et en nombre le participe passé employé avec avoir lorsque le complément direct est placé avant le verbe, une règle que plusieurs ont apprise par coeur sur les bancs d’école.
Ainsi, on écrirait plutôt « une règle que plusieurs ont appris par coeur sur les bancs d’école », puisque le participe passé employé avec avoir serait toujours invariable.
Employé avec être, le participe passé s’accorderait toujours avec le sujet du verbe, si bien que de nombreuses exceptions disparaîtraient (voir ci-contre).
DES EXCEPTIONS « DIFFICILES À COMPRENDRE »
Le débat entourant cette réforme, à laquelle le Conseil international de la langue française est favorable depuis déjà plusieurs années, gagne maintenant le Québec.
Le Groupe québécois pour la modernisation de la norme du français (GQMNF) vient d’informer ses 3000 membres de ces nouvelles recommandations.
Ce même groupe a fait la promotion au Québec de la nouvelle orthographe, un virage qui a soulevé une certaine controverse il y a plusieurs années, en transformant des mots comme oignon, igloo et nénuphar en ognon, iglou et nénufar.
Mario Désilets, didacticien du français à l’Université de Montréal, fait partie des experts québécois qui appuient cette réforme de l’accord du participe passé. Il estime que les exceptions sont « difficiles à comprendre pour le commun des mortels » et peu fréquentes. « Il n’y a que les réviseurs linguistiques qui s’en souviennent », lance-t-il.
L’auteure du Multidictionnaire de la langue française,
Marie-Éva de Villers, est aussi favorable à ce virage, mais doute qu’il se concrétise rapidement en raison de la polémique qu’il risque de susciter (voir autre texte).
PERTE DE TEMPS POUR LES PROFS
Selon Mario Désilets, le principal avantage de cette réforme serait « de rendre intelligibles les règles d’accord du participe passé dès l’école primaire » et « d’éviter de gaspiller du temps d’enseignement » qui pourrait être beaucoup mieux utilisé au secondaire, mais aussi au cégep et à l’université.
Les exceptions vouées à disparaître, selon cette réforme, représentent moins de 10 % des emplois du participe passé alors que les enseignants de français y consacrent des dizaines d’heures en classe, fait-il valoir.
M. Désilets publiera sous peu un article concernant cette réforme dans la revue Correspondances.
La simplification des règles pourrait même permettre à des élèves de faire moins de fautes dans les règles de base, qui vont demeurer, ajoute Annie Desnoyers, linguiste et cofondatrice du GQMNF.
« Ils ont tellement de règles en tête, avec les exceptions, qu’ils ne sont parfois plus capables de faire des accords simples », lance-t-elle.