Le Journal de Montreal

Éric, Patrick et le bûcher des opinions

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com les lignes.

Faut-il brûler ses billets pour Patrick Bruel ? Jeter à la poubelle les chansons d’Éric Lapointe ?

Arrêter de fredonner Bruel sous la douche ? Interdire l’écoute de Loadé comme un gun à tue-tête dans son auto ?

Doit-on arrêter la diffusion des 60 films dans lesquels Patrick Bruel a joué depuis 1979 ? Retirer de la circulatio­n les vidéoclips d’Éric Lapointe ?

Bref, faut-il mettre sur pied une Police de la moralité qui va s’assurer que ni nos yeux ni nos oreilles ne seront exposés à quelque rappel que ce soit d’un artiste faisant l’objet de quelque soupçon que ce soit ?

L’EMPIRE DU BIEN

Mercredi, mon collègue Marc-André Lemieux nous apprenait que certaines radios avaient retiré de leurs ondes les tounes d’Éric Lapointe.

Des fans se demandent ce qu’ils doivent faire avec leurs billets pour les spectacles de Patrick Bruel.

La présomptio­n d’innocence est un principe. Un principe n’a pas de géométrie variable. On ne brade pas ses principes selon le coût sur notre portefeuil­le.

On ne peut pas dire : « Mes billets m’ont coûté vraiment cher… donc j’exige que le promoteur me rembourse mes billets » uniquement sur la base d’un malaise.

Patrick Bruel est remonté sur scène depuis qu’il est visé par des enquêtes à caractère sexuel. Mais je suis tombée sur le derrière quand j’ai vu que certains lui reprochaie­nt de ne pas avoir commenté les « affaires » qui le concernent ! Vous vouliez quoi ? Qu’entre deux chansons, il mette sa guitare de côté et commente une enquête qui est toujours en cours ?

Le 17 octobre, quand Bruel a repris sa tournée à Nantes, le journal Le Parisien a recueilli les commentair­es de ses fans.

« Ce n’est pas à nous de juger, il faut laisser faire la justice », disaient-ils.

Bruel était à Rome cette semaine pour présenter son nouveau film Le meilleur est à venir. L’accueil a été plus qu’enthousias­te, selon les images mises en ligne par Fabrice Luchini, qui lui donne la réplique.

Et ce n’est pas tout : ce soir à 21 h, France 3 diffuse un long documentai­re inédit sur l’artiste intitulé Patrick Bruel entre

Manifestem­ent, il n’est pas question de boycott de l’autre côté de l’Atlantique…

J’aimerais bien que tous les commentate­urs qui se prononcent de façon intempesti­ve sur les cas Bruel ou Lapointe se posent une question toute simple : si votre frère, votre fils faisaient l’objet d’allégation­s, souhaiteri­ez-vous qu’on les condamne avant même que toute la lumière ait été faite ?

Si vous étiez vous-même visé par des allégation­s d’inconduite sexuelle, ne souhaiteri­ez-vous pas avoir droit à un procès juste et équitable ?

Trouveriez-vous normal que l’on vous enlève votre job, votre réputation, votre dignité en claquant des doigts ?

NON AU BOYCOTT

J’ai toujours eu un malaise avec la notion de boycott. Vous souvenez-vous, Noël dernier, des stations de radio aux ÉtatsUnis et au Canada ont décidé de retirer Baby it’s cold outside, car dans ce classique du temps des Fêtes, un homme tente de retenir une femme dans une maison en lui disant qu’il fait froid dehors.

À une époque où on annule l’Halloween parce qu’il fait trop froid dehors… se peut-il que l’on soit rendu un peu trop frileux ?

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