Le Journal de Montreal

La transparen­ce n’est pas un défaut

- DENISE BOMBARDIER

Faisant référence à Kahnawake, le premier ministre a déclaré cette semaine : « On a des renseignem­ents qui nous confirment qu’il y a des armes, des AK-47 ». Pour certains, le chef du gouverneme­nt québécois en lâchant ces mots a agi en pyromane. Une chroniqueu­se le qualifie de faucon, et d’autres, de dynamiteur.

François Legault tentait ainsi d’expliquer pourquoi le blocus se poursuit à Kahnawake malgré une injonction émise par la cour : « Je ne veux pas avoir sur ma conscience que des policiers soient blessés suite à une interventi­on », a dit le premier ministre. Des leaders autochtone­s ont crié au scandale, jurant qu’aucune arme n’était présente sur la réserve.

Ce psychodram­e démontre l’état d’esprit qui règne. Justin Trudeau est en train d’agoniser politiquem­ent. Il refuse d’aller rencontrer les chefs héréditair­es de la nation wet’suwet’en en Colombie-Britanniqu­e, conscient du risque qu’il prendrait d’aller se jeter dans la gueule du loup.

DÉBORDEMEN­TS

Pendant ce temps, ses ministres en colère crachent le feu devant les débordemen­ts sur la voie ferrée, alors que des Autochtone­s ont, eux, mis le feu à des débris de bois sous les wagons en circulatio­n.

Des Blancs prennent fait et cause pour les dissidents autochtone­s, qui font la manchette quotidienn­ement et vivent leur

power trip en défiant la légitimité du Canada. Entretemps, une proportion très importante d’Autochtone­s s’opposent à leurs frères héréditair­es et sont plongés dans le tourment. Ils comprennen­t le danger de provoquer ainsi les Blancs, dont une proportion risque aussi de basculer dans un ressentime­nt contre eux.

Alors, pourquoi tirer à boulets rouges sur le premier ministre Legault pour une phrase qui trahit sa propre perturbati­on et sa crainte d’un sérieux dérapage aux portes de Montréal ? Cela risquerait d’alimenter une partie de l’opinion publique québécoise, surtout celle qui surfe sur les réseaux sociaux où abondent des préjugés anti-autochtone­s.

PRAGMATISM­E

À l’évidence, François Legault ne carbure pas à la culpabilit­é blanche, ce qui ne signifie pas qu’il partage les préjugés qui circulent au Québec à l’endroit des Premières Nations. L’homme ne pratique pas la langue de bois et la rectitude politique ne le caractéris­e guère. Cela explique au demeurant pourquoi il change d’idée devant l’évolution d’une situation et pourquoi il s’excuse sans états d’âme particulie­rs, ce qui en désarçonne plusieurs.

Cependant, le premier ministre du Québec a beau s’agiter au sujet des blocages des voies ferroviair­es en territoire autochtone situé au Québec, la solution à cette crise qui peut perdurer, n’en doutons point, relève du gouverneme­nt fédéral.

Les trains rouleront à travers le Canada, y compris au Québec, si Ottawa fait appliquer la loi. Le Québec n’y peut rien, sauf si des méfaits sont causés sur le territoire hors réserves. Et même dans ce cas de figure, monsieur Legault ne peut ignorer que la SQ ne doit pas ferrailler avec les Warriors au nom prédestiné. La situation est perturbant­e, car le Québec se souvient avec crainte et tremblemen­t de la crise d’Oka. François Legault doit donc calmer ses transports afin de calmer son peuple.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Les dissidents autochtone­s vivent leur power trip.
Les dissidents autochtone­s vivent leur power trip.

Newspapers in French

Newspapers from Canada