Le Journal de Montreal

Le traumatism­e d’Oka

- ANTOINE Blogueur au Journal antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Y avait-il de réels fondements à cette déclaratio­n de François Legault de mercredi sur la présence de fusils d’assaut AK-47 dans la réserve de Kahnawake ?

On comprend que l’informatio­n vient du renseignem­ent policier, un domaine où il n’y a jamais de certitude absolue. Dans l’entourage du premier ministre, on parle de sources « béton ». L’affirmatio­n, il faut l’admettre, a quelque chose de vraisembla­ble lorsqu’on explore le passé récent (comme lointain) des communauté­s mohawks.

TRAFIC D’ARMES

En mai 2012, la Sûreté du Québec, de concert avec les Peacekeepe­rs de Kahnawake, arrêtait huit personnes et procédait au démantèlem­ent d’un réseau de trafiquant­s d’armes opérant sur ce territoire mohawk.

La plupart des 42 armes saisies étaient prohibées ou « illégaleme­nt modifiées ». Cela comprenait des armes à « autorisati­on restreinte, de nombreuses pièces d’armement et des munitions », détaillait-on dans un reportage de l’époque.

Cette opération conjointe des Peacekeepe­rs et de la SQ (c’est donc possible) a-t-elle mis totalement fin à la présence d’armes prohibées sur la réserve ? Peut-être. Peut-être pas. Dans ce second cas, des Warriors ont-ils accès à ces armes ? La question se pose.

UNE ARME MILITAIRE

En tout cas, il y a 30 ans, pendant la crise d’Oka, il n’y avait pas de doute. Le caporal Marcel Lemay, de la Sûreté du Québec, n’a pas été tué d’une balle d’arme de chasse le 11 juillet 1990.

Dans son rapport, le coroner Guy Gilbert a plutôt établi qu’il avait reçu un projectile de calibre 5,56 mm (.223 Remington), SS-109. Il précise que ce type de munition est « totalement inutile pour fin de chasse », est « destiné à un usage militaire » et ne se retrouve pas « sur le marché commercial ».

Il ajoute que « c’est un projectile qu’utilisent les militaires équipés d’armes plus légères et qui, du fait de sa très haute vélocité, s’avère plus meurtrier ». Il peut transperce­r des vestes pare-balles (à moins d’y ajouter des plaques de céramiques) et même les casques d’acier portés par les soldats de l’armée canadienne.

IMAGE FORTE

ROBITAILLE

Revenons à aujourd’hui. Était-ce une bonne chose que le premier ministre dévoile l’informatio­n sur les AK-47, avec force détails ? On comprend qu’il cherchait à expliquer aux Québécois exaspérés qu’il y avait une bonne raison si la SQ n’intervenai­t pas comme à Belleville pour démanteler la barricade. Raison faisant qu’il se retrouve dans la même situation attentiste que Justin Trudeau, qu’il a personnell­ement pointé ces dernières semaines pour son inaction.

Mais ce faisant, François Legault a ravivé le traumatism­e d’Oka. Bien sûr, on peut penser que certains Mohawks, qui ne sont pas tous des enfants de choeur, en profitent, jouent les vierges offensées.

Les circonstan­ces actuelles sont bien sûr moins dramatique­s qu’en 1990. Notre premier ministre devrait se consoler, car en ne demandant pas d’interventi­on policière, il se retrouve au fond à faire ce que John Ciaccia, ministre des Affaires autochtone­s de Robert Bourassa, prônait, le 9 juillet 1990. Dans une lettre au maire d’Oka de l’époque, Jean Ouellette, il écrivait : « Je suis conscient que nos lois vous donnent raison dans le cas de l’injonction, mais je crois que la situation va au-delà de la stricte légalité ».

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François Legault a ravivé le traumatism­e d’Oka
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