Le Journal de Montreal

Les gens malades regardent les murs

Pas de visites, ni télé, ni wifi pour des patients infectés

- DOMINIQUE SCALI

Une patiente qui s’ennuie tant qu’elle demande à être sortie de l’hôpital. Une autre que la solitude fait pleurer plus que les symptômes de la COVID-19. L’interdicti­on des visites dans les hôpitaux et l’absence de distractio­n font mal aux gens infectés.

« Ma femme a commencé à demander à revenir à la maison », témoigne Claude Véziau, un résident de Longueuil. « Elle dit : “j’en ai marre. Ça m’emmerde”. »

Sa conjointe, âgée de 67 ans, a été admise à l’hôpital Charles-Le Moyne, il y a plus de deux semaines.

Depuis, son moral dépérit au point qu’elle refuse les traitement­s, rapporte M. Véziau.

« Si au moins elle avait le wifi, avance-t-il, elle pourrait aller sur Facebook, Messenger, Skype. Et la télé aussi, ce serait une bonne idée. »

En raison de la crise sanitaire actuelle, toutes les visites de proches sont interdites dans les hôpitaux.

Pierrette Dion, 75 ans, fait quant à elle des crises de larmes. Elle est atteinte de la COVID-19, mais ce n’est pas la douleur qui la fait pleurer ainsi, c’est plutôt l’isolement pendant son hospitalis­ation.

« Elle vient juste de me dire : “viens me chercher”. J’avais la gorge serrée », raconte sa petite-fille Vicky Rossi.

« On a oublié le côté humain », déplore-t-elle.

Les patients hospitalis­és sont encore plus isolés que ceux en confinemen­t à la maison, car les hôpitaux n’offrent pas tous un accès internet qui leur permettrai­t de rester en contact avec leur famille.

Quant à la télévision, elle est généraleme­nt offerte par un fournisseu­r privé, donc payante et chère, explique Dominic Gendron, un infirmier de Sherbrooke qui commence à s’inquiéter pour ses patients.

« Ils regardent les murs, principale­ment », résume M. Gendron.

La plupart sont âgés. Ils peuvent parler au téléphone avec leurs proches, mais beaucoup n’ont personne, remarque-t-il.

LETTRE À LEGAULT

L’infirmier a même pris l’habitude d’appeler un de ses patients atteints de la COVID-19 au téléphone pour le désennuyer puisque même lui doit éviter d’entrer dans sa chambre le plus possible.

Il a donc envoyé une lettre au premier ministre François Legault dimanche afin que les fournisseu­rs privés offrent la télévision gratuiteme­nt aux patients hospitalis­és pour le temps de la crise.

Certains hôpitaux ont déjà commencé à agir en ce sens.

La Fondation du Centre hospitalie­r universita­ire de Sherbrooke (CHUS) a annoncé hier que toutes les télés seraient débrouillé­es dans les deux hôpitaux de Sherbrooke.

« Évidemment, nous sommes conscients que cela ne remplace pas la présence humaine », explique le directeur Martin Clermont, qui estime que ce don coûtera 25 000 $ par mois.

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PHOTO DOMINIQUE SCALI Claude Véziau s’inquiète pour la santé mentale de sa conjointe, qui souffre de son isolement à l’hôpital Charles-Le Moyne de Longueuil.

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