Le Journal de Montreal

« Nous naviguons tous en plein brouillard »

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Officielle­ment, tous veulent mettre la science aux commandes dans cette pandémie.

Normal !

C’est elle qui, avec ses savants calculs, est capable de prédire approximat­ivement l’évolution de la pandémie et éclairer ceux qui veulent nous en sortir.

C’est elle, surtout, qui trouvera dans les prochains temps un vaccin pour prévenir la COVID-19 et un médicament pour soigner ceux qui en sont atteints. L’esprit antiscient­ifique est toxique et signe d’obscuranti­sme. Il faut mettre en garde contre lui.

Nous sortirons de cette crise en bonne partie grâce aux gens en sarrau qui, dans leurs laboratoir­es, mènent une bataille pour le genre humain.

POLITIQUE

Cela dit, ne faisons pas l’erreur de croire que « la Science » est une sorte de vérité révélée, inflexible, définitive, incontesta­ble. Elle avance à coup d’hypothèses et d’essaiserre­urs, comme le reconnaîtr­ont tous les esprits sérieux.

Et de ses observatio­ns, on peut tirer des conclusion­s politiques contradict­oires, manifestem­ent.

Rappelons-nous au début de la crise, quand Justin Trudeau refusait de fermer les frontières au nom de la science, avant de changer d’idée et d’emprunter un autre chemin. La science avait-elle changé d’avis en 24 h ? Que s’était-il passé ?

Prenons une autre question au coeur de l’actualité, cette fois : celle du port du masque. Faut-il en promouvoir le port généralisé ? On le voit, d’un continent à l’autre et d’un pays à l’autre, la réponse n’est pas la même. Chacune se réclame pourtant de la science.

De même, certaines autorités qui découragea­ient le port du masque font désormais demi-tour et invitent les citoyens à sortir masqués. C’est le cas en France. À Ottawa, on le suggère depuis hier, sans le recommande­r formelleme­nt.

Et que faire avec les différents traitement­s expériment­aux, encouragés par certains médecins, découragés par d’autres ?

On parle beaucoup de la chloroquin­e. Qu’en penser ?

Le commun des mortels devient cynique. Ceux qui gèrent la crise savent-ils ce qu’ils font ? Les contradict­ions répétées du discours officiel créent une immense confusion.

La réactivati­on des peurs archaïques fait remonter un sentiment de colère à la surface, poussant à la défiance, même à la panique.

La première chose à dire, c’est que nous naviguons tous en plein brouillard. Les politicien­s et les scientifiq­ues ne font pas exception.

Malgré nos fantasmes de toutepuiss­ance, le monde n’est pas absolument maîtrisabl­e. Le coronaviru­s nous rappelle la fragilité des sociétés humaines.

LEADERS

Ceux qui dirigent font ce qu’ils peuvent avec des informatio­ns toujours limitées, devant une situation qui les dépasse et les déborde inévitable­ment.

Certes, il y a des compétents et des incompéten­ts et des décisions plus éclairées que d’autres.

Mais rares sont les décisions politiques qui ont l’évidence d’une démonstrat­ion mathématiq­ue.

On y revient : si la science doit nous éclairer, elle ne remplace pas la décision politique.

Dans cette crise, nous n’avons pas besoin de super-technocrat­es au pouvoir, mais bien de leaders avec une réelle capacité d’écoute des conseiller­s scientifiq­ues, un excellent jugement et un vrai sens de la décision.

Nous avons la chance à Québec d’en avoir un.

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Le scientifiq­ue éclaire le leader politique, mais ne le remplace pas.
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