Le Journal de Montreal

Une avalanche de fermetures après le déconfinem­ent ?

Le report des loyers dans les centres commerciau­x serait un cadeau empoisonné

- MARTIN JOLICOEUR

Inquiets et épuisés, à force de réception d’avis et de lettres d’avocat, les propriétai­res de petits et moyens détaillant­s du Québec peinent à fermer l’oeil depuis le début de la COVID-19.

« Jusqu’à la fermeture des centres commerciau­x, ça allait encore. Mais depuis le 22 mars (fermeture imposée par Québec), ça ne va pas du tout, affirme Linda Goulet, PDG du Groupe Panda. Ça fait des semaines que je ne dors pas ! Et, croyezmoi, je ne suis pas la seule. Dans l’industrie, nous sommes tous sur le gros nerf à nous demander ce qui va nous arriver. »

Au coeur de leur inquiétude : le paiement de leur loyer dans les centres commerciau­x où sont installés leurs magasins. Panda, par exemple, compte 24 boutiques de chaussures dans autant de centres commerciau­x de la province. Total de ses baux : plus de 190 000 $ par mois.

Le hic, c’est que même si les centres d’achats sont fermés, que les clients n’y ont pas accès et qu’aucune vente n’est possible pour les détaillant­s, leurs propriétai­res réclament quand même, bail à l’appui, le paiement de leur loyer mensuel.

DIFFICILE DE RESPECTER SON BAIL

« Je veux bien respecter ma signature, mais dans le contexte actuel, je ne vois pas comment je le pourrais, soutient la propriétai­re d’une douzaine de boutiques réparties dans la province. Je suis allergique aux batailles. Mais comment payer des dizaines de milliers de dollars de loyers tous les mois, si je ne vends pas ? »

Pour soulager les détaillant­s, Ivanhoé Cambridge, propriétai­re de nombreux centres commerciau­x au Canada, dont le Centre Eaton à Montréal et la Place SainteFoy à Québec, a annoncé à la mi-mars que ses commerces locataires pourraient profiter d’un report de leur loyer.

Bien que le geste n’ait pas été imité officielle­ment, des sources nous confirment que la plupart des grands propriétai­res, tels Oxford, Cadillac Fairview, Cominar et Westcliff, proposent à leurs locataires récalcitra­nts, ou en difficulté, des ententes de report similaires à celle d’Ivanhoe.

Plusieurs d’entre eux exigent de leurs locataires qu’ils s’engagent à payer la totalité de leurs loyers dans les « deux à quatre mois » suivant la réouvertur­e des commerces. Un cadeau empoisonné, aux yeux de nombre de détaillant­s.

LA VRAIE CRISE

Pierre-Olivier Mercier, PDG du Groupe WLKN, lequel compte huit magasins, dont trois à Toronto, partage cette opinion.

« Je vois cela comme une façon d’acheter la paix momentaném­ent. Mais après, lorsque viendra le temps de payer nos trois mois de loyers passés, que va-t-il se passer ? Je prévois que la vraie crise entreprene­uriale, c’est à ce moment-là qu’on va la voir. Ça va tomber comme des mouches, ça va être l’hécatombe. »

 ?? PHOTO COURTOISIE ET STEVENS LEBLANC ?? Les PDG du Groupe Panda, Linda Goulet et du Groupe WLKN, Pierre-Olivier Mercier, sont, comme toute l’industrie, très inquiets.
PHOTO COURTOISIE ET STEVENS LEBLANC Les PDG du Groupe Panda, Linda Goulet et du Groupe WLKN, Pierre-Olivier Mercier, sont, comme toute l’industrie, très inquiets.
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