Des employés au bout du rouleau tombent au combat
On craint une vague de détresse dans le réseau de la santé
Des syndicats et des professionnels de la santé mentale craignent qu’une vague de détresse survienne chez le personnel soignant et préviennent qu’elle risque d’avoir des effets aussi ravageurs qu’une deuxième vague du coronavirus.
« Il y en a déjà qui quittent le bateau parce qu’ils ne sont plus capables, ça fait donc vraiment peur pour la suite », confie Frédéric Brisson, président du Conseil provincial des affaires sociales du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente notamment des préposés aux bénéficiaires.
Le son de cloche est le même à la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), où les appels à l’aide d’infirmières sont généralisés depuis quelques semaines, un volume « jamais vu », dit-on.
« Et on est encore dedans. On est encore plus inquiets de la photo post-crise, ça va tomber au combat », croit Linda Lapointe, vice-présidente de la FIQ.
Le décès d’une préposée la semaine dernière a provoqué une onde de choc qui a exacerbé la détresse de ses membres, raconte Frédéric Brisson.
« ÇA VA LAISSER DES TRACES »
En plus de travailler avec la peur de contracter le virus et de contaminer des patients, les préposés sont témoins de l’horreur au quotidien.
« On nous a formés en disant de soigner les patients comme si c’était nos propres parents, mais quand on voit des personnes âgées affamées, assoiffées, dans un état terrible, c’est certain que ça va laisser des traces psychologiquement », craint M. Brisson.
Il demande au ministère de la Santé d’en faire plus sur le plan psychologique.
« Les gestionnaires ne pensent pas à l’humain, ils voient des colonnes de chiffres et des horaires à remplir actuellement. […] Ils ont complètement oublié le support psychologique », estime-t-il.
Au bureau de la ministre de la Santé, Danielle McCann, on se limite à dire qu’on « travaille activement » sur le dossier.
Or, des experts insistent sur l’urgence de prévenir en santé mentale avant que l’on « frappe un mur ».
La neuropsychologue Chantal Trottier se dit inquiète pour le réseau de la santé, totalement appuyé sur ses « anges gardiens » qu’on ne peut se permettre de perdre dans le contexte actuel.
« Il y a une vague de demandes d’aide à prévoir. Quand la pression va redescendre, les problèmes de dépression, de santé mentale vont arriver », croit la spécialiste, en rappelant que le personnel, bien que formé, n’est pas habitué à de telles horreurs.
CHOC POST-TRAUMATIQUE
La Fédération professionnelle des préposé(e)s aux bénéficiaires du Québec (FPBQ) dresse quant à elle le parallèle avec un déploiement au front en temps de guerre qu’il faut éviter de prolonger.
« L’adrénaline à court terme, ça aiguise les sens, mais à long terme, une exposition à un stress aussi élevé et des événements comme ceux que l’on vit peut mener à un choc post-traumatique », insiste Michel Lemelin, directeur général de l’organisation, qui demande au gouvernement de donner suffisamment de temps de répit aux employés.
« SI ÇA NE CHANGE PAS, DES EMPLOYÉS VONT DIRE : “APRÈS TOUT CE QU’ON FAIT POUR VOUS, C’EST COMME ÇA QU’ON NOUS AIDE ?” ÇA VA TOMBER COMME DES MOUCHES. » – Frédéric Brisson