Le Journal de Montreal

L’aide d’Ottawa aux étudiants pourrait nuire aux agriculteu­rs

Une propriétai­re de ferme craint que la mesure incite les jeunes à ne pas travailler

- RAPHAËL LAVOIE

Alors que l’embauche de maind’oeuvre en milieu agricole est déjà grandement compliquée par la pandémie, une productric­e de l’île d’Orléans craint que l’aide d’urgence aux étudiants proposée par le gouverneme­nt Trudeau ne vienne aggraver les choses.

Amélie Coulombe, copropriét­aire de la ferme Jacques Coulombe, redoute ainsi que l’enveloppe mensuelle de 1250 $ offerte aux étudiants sans emploi d’été incitera possibleme­nt une partie d’entre eux à rester à la maison plutôt que d’aller travailler à la ferme.

« Je ne comprends pas l’annonce de [Justin] Trudeau, parce que ça vient vraiment annuler l’effort de [François] Legault de proposer des postes », a-t-elle souligné, hier, à QUB radio.

En ce sens, elle croit que la mesure fédérale pourrait nuire au programme annoncé par François Legault, qui promet 100 $ de plus par semaine pour les travailleu­rs agricoles cet été.

Dans le même ordre d’idées, l’entreprene­ure soutient que la situation actuelle démontre que les métiers traditionn­els et physiques sont, selon elle, de plus en plus boudés au sein de la société et ne sont pas assez valorisés.

« Pourtant, le médecin, on va aller le voir peut-être une fois par année si on est chanceux et on est en santé, mais, l’agricultur­e, vous avez besoin de vous nourrir trois fois par jour. C’est de base. On est boudé », a-t-elle imagé.

VRAI CASSE-TÊTE

À la racine de plusieurs perturbati­ons, la productric­e agricole a raconté que le recrutemen­t de personnel s’est avéré un vrai casse-tête pour l’entreprise familiale, qui engage habituelle­ment en majorité des travailleu­rs étrangers.

Or, ceux-ci n’arrivent pas à obtenir un visa pour venir travailler au Québec et, de plus, les installati­ons d’hébergemen­t de la ferme ne permettrai­ent pas de répondre aux exigences actuelles de confinemen­t et de distanciat­ion sociale.

L’entreprene­ure a donc dû se résoudre ce printemps à embaucher une équipe formée entièremen­t de Québécois, dont la grande majorité n’a jamais travaillé sur une ferme.

Devant cette situation inhabituel­le, et tout particuliè­rement le manque d’employés qualifiés, la ferme Jacques Coulombe sera contrainte d’apporter de profonds changement­s à sa production, autant dans les légumes cultivés que dans son plan de distributi­on.

De ce fait, certains produits, dont les cultures asiatiques, seront abandonnés temporaire­ment, alors que l’ensemble de la production sera livré au Québec. Dans les années précédente­s, environ 40 % de celle-ci était exportée aux États-Unis.

CONSERVER SES EMPLOYÉS

Au-delà des bouleverse­ments au niveau de la production, Amélie Coulombe anticipe également plusieurs défis au niveau de la gestion de sa nouvelle main-d’oeuvre.

Elle craint entre autres de perdre une partie de ses employés au cours de l’été, alors que certains découvriro­nt que le travail est beaucoup plus exigeant qu’ils le croyaient initialeme­nt.

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PHOTO SIMON CLARK Amélie Coulombe, copropriét­aire de la ferme Jacques Coulombe, redoute un manque de travailleu­rs qualifiés pour ses récoltes.

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