L’aide d’Ottawa aux étudiants pourrait nuire aux agriculteurs
Une propriétaire de ferme craint que la mesure incite les jeunes à ne pas travailler
Alors que l’embauche de maind’oeuvre en milieu agricole est déjà grandement compliquée par la pandémie, une productrice de l’île d’Orléans craint que l’aide d’urgence aux étudiants proposée par le gouvernement Trudeau ne vienne aggraver les choses.
Amélie Coulombe, copropriétaire de la ferme Jacques Coulombe, redoute ainsi que l’enveloppe mensuelle de 1250 $ offerte aux étudiants sans emploi d’été incitera possiblement une partie d’entre eux à rester à la maison plutôt que d’aller travailler à la ferme.
« Je ne comprends pas l’annonce de [Justin] Trudeau, parce que ça vient vraiment annuler l’effort de [François] Legault de proposer des postes », a-t-elle souligné, hier, à QUB radio.
En ce sens, elle croit que la mesure fédérale pourrait nuire au programme annoncé par François Legault, qui promet 100 $ de plus par semaine pour les travailleurs agricoles cet été.
Dans le même ordre d’idées, l’entrepreneure soutient que la situation actuelle démontre que les métiers traditionnels et physiques sont, selon elle, de plus en plus boudés au sein de la société et ne sont pas assez valorisés.
« Pourtant, le médecin, on va aller le voir peut-être une fois par année si on est chanceux et on est en santé, mais, l’agriculture, vous avez besoin de vous nourrir trois fois par jour. C’est de base. On est boudé », a-t-elle imagé.
VRAI CASSE-TÊTE
À la racine de plusieurs perturbations, la productrice agricole a raconté que le recrutement de personnel s’est avéré un vrai casse-tête pour l’entreprise familiale, qui engage habituellement en majorité des travailleurs étrangers.
Or, ceux-ci n’arrivent pas à obtenir un visa pour venir travailler au Québec et, de plus, les installations d’hébergement de la ferme ne permettraient pas de répondre aux exigences actuelles de confinement et de distanciation sociale.
L’entrepreneure a donc dû se résoudre ce printemps à embaucher une équipe formée entièrement de Québécois, dont la grande majorité n’a jamais travaillé sur une ferme.
Devant cette situation inhabituelle, et tout particulièrement le manque d’employés qualifiés, la ferme Jacques Coulombe sera contrainte d’apporter de profonds changements à sa production, autant dans les légumes cultivés que dans son plan de distribution.
De ce fait, certains produits, dont les cultures asiatiques, seront abandonnés temporairement, alors que l’ensemble de la production sera livré au Québec. Dans les années précédentes, environ 40 % de celle-ci était exportée aux États-Unis.
CONSERVER SES EMPLOYÉS
Au-delà des bouleversements au niveau de la production, Amélie Coulombe anticipe également plusieurs défis au niveau de la gestion de sa nouvelle main-d’oeuvre.
Elle craint entre autres de perdre une partie de ses employés au cours de l’été, alors que certains découvriront que le travail est beaucoup plus exigeant qu’ils le croyaient initialement.