Le Journal de Montreal

Flou fédéral inutile à la frontière

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal Journalist­e et chroniqueu­r

À l’apogée de la pandémie, le gouverneme­nt Trudeau entrouvre la frontière.

J’ai sursauté jeudi quand je l’ai appris, mais j’ai relativisé depuis (voir plus bas). Reste que les précisions sur un sujet aussi sensible ont pris trop de temps à venir de la part du gouverneme­nt Trudeau et demeurent discutable­s.

Initialeme­nt, on aurait même pu croire qu’on rouvrait le chemin Roxham, bouclé à la fin mars « temporaire­ment ».

Quelque 90 % des demandes d’asile irrégulièr­es au Canada entraient par là depuis des années. Mais il demeurera fermé.

PAS LA PEUR DE L’AUTRE

Fermer la frontière en période de pandémie, ce n’est pas céder à une condamnabl­e « peur de l’autre », c’est gérer un principe tout à fait légitime de confinemen­t national.

En raison de la crise, nos CHSLD sont en manque de préposés et d’infirmière­s ; les médecins spécialist­es, semble-t-il, ne peuvent aller y travailler très longtemps, si bien que l’on doit appeler l’armée en renfort... comment pourrait-on justifier que certaines de ces précieuses ressources soient contrainte­s d’aller s’occuper de demandeurs d’asile ?

De plus, comme le faisait remarquer le Bloc québécois jeudi, alors que les Québécois ne peuvent pratiqueme­nt pas franchir les frontières interrégio­nales pour aller visiter leurs proches, comment pourrait-on justifier que des non-Canadiens puissent traverser la frontière internatio­nale avec les États-Unis ?

CHANGEMENT­S

C’est le Syndicat des douanes et de l’immigratio­n qui a sonné l’alarme mercredi. Son président Jean-Pierre Fortin avait été averti la veille à 18 h qu’à minuit, les règles changeaien­t. Il tombait des nues.

Malheureus­ement, Justin Trudeau et sa ministre Chrystia Freeland, interrogés mercredi matin, ne semblaient pas être au courant de ces changement­s :

« À ce que je sache, rien n’a changé », laissa tomber le premier ministre. Or, il y avait modificati­on.

Le 26 mars déjà, la fermeture de la frontière n’était pas absolue : « citoyens américains », « apatrides » et mineurs non accompagné­s pouvaient faire une demande.

Avec le nouveau décret de cette semaine, on rouvre un peu plus la brèche, pour respecter les obligation­s internatio­nales du Canada.

Ainsi, les individus qui ont un membre de la famille au Canada, ceux qui n’ont pas besoin de visa pour y entrer et... ceux qui sont menacés de peine de mort, peuvent désormais aussi faire une demande.

Ottawa leur a même loué des hôtels près de la frontière pour leur permettre de s’isoler 14 jours.

Aucun flot de migrants n’est toutefois attendu, argue le gouverneme­nt Trudeau.

ÉTAT DE NEW YORK

Ces exceptions existaient essentiell­ement déjà et seulement huit personnes ont tenté d’entrer depuis le 26 mars. Sur celles-là, six ont finalement été refoulées.

On est loin d’un phénomène massif en effet, mais le flou fédéral a créé de la nervosité.

Par exemple, Québec n’avait même pas été informé. Jean-Pierre Fortin, pour sa part, a confié avoir eu du mal à dormir : faudrait-il désormais recommence­r à accepter tous les demandeurs d’asile, mais aux postes réguliers plutôt qu’au chemin Roxham ?

Et avec quelle protection, sachant que ces demandeurs proviennen­t de l’État de New York ?

De sérieuses questions en effet.

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Justin Trudeau tout comme sa ministre Chrystia Freeland, interrogés mercredi matin, ne semblaient pas être au courant de ces changement­s
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