Flou fédéral inutile à la frontière
À l’apogée de la pandémie, le gouvernement Trudeau entrouvre la frontière.
J’ai sursauté jeudi quand je l’ai appris, mais j’ai relativisé depuis (voir plus bas). Reste que les précisions sur un sujet aussi sensible ont pris trop de temps à venir de la part du gouvernement Trudeau et demeurent discutables.
Initialement, on aurait même pu croire qu’on rouvrait le chemin Roxham, bouclé à la fin mars « temporairement ».
Quelque 90 % des demandes d’asile irrégulières au Canada entraient par là depuis des années. Mais il demeurera fermé.
PAS LA PEUR DE L’AUTRE
Fermer la frontière en période de pandémie, ce n’est pas céder à une condamnable « peur de l’autre », c’est gérer un principe tout à fait légitime de confinement national.
En raison de la crise, nos CHSLD sont en manque de préposés et d’infirmières ; les médecins spécialistes, semble-t-il, ne peuvent aller y travailler très longtemps, si bien que l’on doit appeler l’armée en renfort... comment pourrait-on justifier que certaines de ces précieuses ressources soient contraintes d’aller s’occuper de demandeurs d’asile ?
De plus, comme le faisait remarquer le Bloc québécois jeudi, alors que les Québécois ne peuvent pratiquement pas franchir les frontières interrégionales pour aller visiter leurs proches, comment pourrait-on justifier que des non-Canadiens puissent traverser la frontière internationale avec les États-Unis ?
CHANGEMENTS
C’est le Syndicat des douanes et de l’immigration qui a sonné l’alarme mercredi. Son président Jean-Pierre Fortin avait été averti la veille à 18 h qu’à minuit, les règles changeaient. Il tombait des nues.
Malheureusement, Justin Trudeau et sa ministre Chrystia Freeland, interrogés mercredi matin, ne semblaient pas être au courant de ces changements :
« À ce que je sache, rien n’a changé », laissa tomber le premier ministre. Or, il y avait modification.
Le 26 mars déjà, la fermeture de la frontière n’était pas absolue : « citoyens américains », « apatrides » et mineurs non accompagnés pouvaient faire une demande.
Avec le nouveau décret de cette semaine, on rouvre un peu plus la brèche, pour respecter les obligations internationales du Canada.
Ainsi, les individus qui ont un membre de la famille au Canada, ceux qui n’ont pas besoin de visa pour y entrer et... ceux qui sont menacés de peine de mort, peuvent désormais aussi faire une demande.
Ottawa leur a même loué des hôtels près de la frontière pour leur permettre de s’isoler 14 jours.
Aucun flot de migrants n’est toutefois attendu, argue le gouvernement Trudeau.
ÉTAT DE NEW YORK
Ces exceptions existaient essentiellement déjà et seulement huit personnes ont tenté d’entrer depuis le 26 mars. Sur celles-là, six ont finalement été refoulées.
On est loin d’un phénomène massif en effet, mais le flou fédéral a créé de la nervosité.
Par exemple, Québec n’avait même pas été informé. Jean-Pierre Fortin, pour sa part, a confié avoir eu du mal à dormir : faudrait-il désormais recommencer à accepter tous les demandeurs d’asile, mais aux postes réguliers plutôt qu’au chemin Roxham ?
Et avec quelle protection, sachant que ces demandeurs proviennent de l’État de New York ?
De sérieuses questions en effet.