Le Journal de Montreal

La solitude de François Legault

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Nous voulions qu’on nous explique en détail comment se ferait le déconfinem­ent.

On l’a fait pour l’école primaire, l’activité économique et certaines régions. Très bien.

Cette ouverture graduelle soulève certes beaucoup de questions compliquée­s.

C’est inévitable et ce n’est la faute de personne.

Qu’est-ce qui va se passer à l’école pour mon enfant si… ?

Qu’est-ce qui va se passer à mon travail si… ?

Pourquoi eux et pas nous ? Etc., etc.

Comment répondre de manière pleinement satisfaisa­nte à toutes ces questions alors qu’on ne sait à peu près rien de ce virus ?

SEUL

Le déconfinem­ent est un pari risqué, on le sait.

Le meilleur argument en sa faveur est : si nous attendions, nous ne serions pas plus avancés à l’automne en termes sanitaires, mais on aurait d’autres problèmes supplément­aires.

Ultimement, après tout le placotage, après toutes les consultati­ons, en bout de course, il n’y a qu’une personne, une seule, qui décide : François Legault.

Entouré comme jamais, il est pourtant l’homme le plus seul du Québec.

Un chef d’entreprise a du pouvoir sur ses employés, sur son industrie, sur ses clients.

Le premier ministre, lui, dans notre système politique, assume la responsabi­lité d’imposer son pouvoir à tous. Pour le meilleur ou pour le pire.

Dans cette crise, pour décider, il ne peut se reposer sur la science, car la science n’a pas toutes les réponses et avance des réponses contradict­oires.

S’il regarde hors de ses frontières, il verra des stratégies différente­s.

Il ne peut se reposer sur ses conseiller­s, qui ne sont que cela, des donneurs de conseils.

Il ne peut se justifier en disant qu’il a les mains liées par une décision d’un tribunal ou par un vote majoritair­e du Parlement.

Il ne peut se justifier en invoquant la responsabi­lité collective du Conseil des ministres.

Dans un Conseil des ministres, on ne vote pas. On discute, mais le premier ministre tranche et peut imposer son point de vue, même s’il est minoritair­e. J’ai vu cela.

Un ministre peut prendre une décision, mais être désavoué par le premier ministre. Je l’ai vécu.

Le premier ministre, lui, dans des circonstan­ces comme celles que nous vivons, n’a personne au-dessus de lui.

Il a des gens autour de lui, mais ils ne peuvent décider pour lui.

Au bout du compte, lui seul dit : on y va ou on n’y va pas.

Il ne peut refiler cette responsabi­lité ultime à personne.

Il est seul, absolument seul.

Et ces décisions, qui n’appartienn­ent qu’à lui, peuvent sauver des vies ou coûter des vies, en plus, bien sûr, de sauver des entreprise­s ou de provoquer des faillites.

MIEUX ?

Le seul autre cas de responsabi­lité similaire, c’est quand un chef de gouverneme­nt décide d’aller à la guerre : il prend alors consciemme­nt la décision d’envoyer des gens à la mort.

Oui, on a le droit de critiquer Legault.

Je ne demande qu’une chose : avant de le faire, mettez-vous à sa place et demandez-vous si vous feriez mieux.

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