Le Journal de Montreal

Un fédéralism­e de tordage de bras

- PIERRE MARTIN @PMartin_UdeM

Les États américains les plus malmenés par la COVID-19 font face à d’énormes difficulté­s financière­s. Donald Trump et son parti y voient l’occasion de les forcer à se conformer à leur vision politique.

Dans la crise du coronaviru­s, plusieurs observateu­rs chez nous déplorent les tentatives du gouverneme­nt Trudeau de centralise­r certains pouvoirs sous le couvert de l’aide fédérale aux provinces les plus touchées, dont le Québec.

Pourtant, comparées à ce que Donald Trump et les républicai­ns souhaitera­ient faire encaisser aux gouverneme­nts des États dévastés par la pandémie, les attaques de Justin Trudeau ne font pas le poids.

Pour Trump et ses alliés, il n’y a pas de mauvais prétexte pour marquer des points partisans.

LES ÉTATS « BLEUS » ÉCOPENT

Jusqu’à présent, la pandémie a frappé de façon démesurée certains États urbanisés et démocrates (New York, New Jersey, Massachuse­tts, Michigan, Illinois, Californie), dont les gouverneme­nts sont aux antipodes politiques de Trump.

Ces États demandent au fédéral une assistance financière du même genre que l’aide offerte en cas de catastroph­es naturelles. Washington leur réserve un accueil glacial.

La semaine dernière, le leader républicai­n du Sénat, Mitch McConnell, disait en substance aux États « bleus » en détresse financière : « Too bad! Débrouille­z-vous avec vos problèmes ». McConnell a même suggéré de mettre ces États en faillite, ce qui provoquera­it plus de problèmes que ça en réglerait.

INCONSTITU­TIONNEL

Pour McConnell, la crise est une occasion de forcer ces États à sabrer dans leur secteur public. Ironiqueme­nt, celui qui veut fermer le robinet des fonds fédéraux vers ces États – dont la plupart paient plus en impôt fédéral qu’ils ne reçoivent de fonds de Washington – représente le Kentucky, qui reçoit beaucoup plus qu’il n’en fournit.

Par-dessus le marché, le président Trump a déclaré mardi qu’il souhaite rendre l’aide financière fédérale aux États éprouvés par la COVID-19 conditionn­elle à leur conformité aux politiques d’immigratio­n extrêmemen­t strictes de Trump. C’est inconstitu­tionnel, mais ce n’est pas ça qui va l’arrêter.

Notamment, le président souhaitera­it retenir l’aide fédérale aux États qui permettent les zones sanctuaire­s pour certains immigrants irrégulier­s et refusent de collaborer avec les agents fédéraux pour déporter ces immigrants, sauf s’ils sont accusés d’un crime grave.

PARTISANER­IE AVANT TOUT

C’est bien connu, pour Donald Trump, il n’y a pas de limites à l’utilisatio­n de ses pouvoirs pour promouvoir ses propres intérêts. On l’a vu dans l’affaire ukrainienn­e, où il a tenté de marchander l’aide militaire américaine pour une attaque partisane contre un rival politique.

L’histoire se répète avec l’aide fédérale dans la crise actuelle. Le premier réflexe de Donald Trump est de tenter de tordre le bras de ses adversaire­s politiques pour les forcer à se conformer à ses politiques d’immigratio­n : donnant-donnant.

Le but évident est de satisfaire la « base partisane » xénophobe de Trump, mais aussi de consolider la vision quasi impériale du pouvoir présidenti­el qu’il partage avec ses partisans républicai­ns… à condition, bien sûr, que le président soit du bon parti.

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