Un fédéralisme de tordage de bras
Les États américains les plus malmenés par la COVID-19 font face à d’énormes difficultés financières. Donald Trump et son parti y voient l’occasion de les forcer à se conformer à leur vision politique.
Dans la crise du coronavirus, plusieurs observateurs chez nous déplorent les tentatives du gouvernement Trudeau de centraliser certains pouvoirs sous le couvert de l’aide fédérale aux provinces les plus touchées, dont le Québec.
Pourtant, comparées à ce que Donald Trump et les républicains souhaiteraient faire encaisser aux gouvernements des États dévastés par la pandémie, les attaques de Justin Trudeau ne font pas le poids.
Pour Trump et ses alliés, il n’y a pas de mauvais prétexte pour marquer des points partisans.
LES ÉTATS « BLEUS » ÉCOPENT
Jusqu’à présent, la pandémie a frappé de façon démesurée certains États urbanisés et démocrates (New York, New Jersey, Massachusetts, Michigan, Illinois, Californie), dont les gouvernements sont aux antipodes politiques de Trump.
Ces États demandent au fédéral une assistance financière du même genre que l’aide offerte en cas de catastrophes naturelles. Washington leur réserve un accueil glacial.
La semaine dernière, le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell, disait en substance aux États « bleus » en détresse financière : « Too bad! Débrouillez-vous avec vos problèmes ». McConnell a même suggéré de mettre ces États en faillite, ce qui provoquerait plus de problèmes que ça en réglerait.
INCONSTITUTIONNEL
Pour McConnell, la crise est une occasion de forcer ces États à sabrer dans leur secteur public. Ironiquement, celui qui veut fermer le robinet des fonds fédéraux vers ces États – dont la plupart paient plus en impôt fédéral qu’ils ne reçoivent de fonds de Washington – représente le Kentucky, qui reçoit beaucoup plus qu’il n’en fournit.
Par-dessus le marché, le président Trump a déclaré mardi qu’il souhaite rendre l’aide financière fédérale aux États éprouvés par la COVID-19 conditionnelle à leur conformité aux politiques d’immigration extrêmement strictes de Trump. C’est inconstitutionnel, mais ce n’est pas ça qui va l’arrêter.
Notamment, le président souhaiterait retenir l’aide fédérale aux États qui permettent les zones sanctuaires pour certains immigrants irréguliers et refusent de collaborer avec les agents fédéraux pour déporter ces immigrants, sauf s’ils sont accusés d’un crime grave.
PARTISANERIE AVANT TOUT
C’est bien connu, pour Donald Trump, il n’y a pas de limites à l’utilisation de ses pouvoirs pour promouvoir ses propres intérêts. On l’a vu dans l’affaire ukrainienne, où il a tenté de marchander l’aide militaire américaine pour une attaque partisane contre un rival politique.
L’histoire se répète avec l’aide fédérale dans la crise actuelle. Le premier réflexe de Donald Trump est de tenter de tordre le bras de ses adversaires politiques pour les forcer à se conformer à ses politiques d’immigration : donnant-donnant.
Le but évident est de satisfaire la « base partisane » xénophobe de Trump, mais aussi de consolider la vision quasi impériale du pouvoir présidentiel qu’il partage avec ses partisans républicains… à condition, bien sûr, que le président soit du bon parti.