Une béquille n’est pas une jambe
Les dernières semaines ont amené bien des Québécois à faire l’expérience du télétravail, de ses joies et de ses misères.
Ses joies : il y a un vrai bonheur à rester chez soi, à ne pas s’imposer l’épreuve aliénante de la congestion routière, d’une vie tellement écartelée entre la maison et le bureau qu’on s’épuise à toujours se déplacer. À la fin de la journée, l’énergie manque.
Il y a quelque chose de terriblement dysfonctionnel dans notre manière d’habiter le territoire. Il faudra, au terme de cette expérience, retenir quelque chose du télétravail, l’intégrer, dans la mesure du possible, dans nos vies.
TÉLÉTRAVAIL
Ses misères : tous les travailleurs autonomes le diront, le problème du travail à domicile, c’est qu’on ne quitte jamais vraiment mentalement le bureau. Le vrai temps libre est rare. La disponibilité mentale pour le boulot est permanente. À chaque moment, il peut imposer ses exigences.
Pour la vie intellectuelle, cela peut avoir son charme. Mais globalement, cela peut vite devenir aliénant.
Cela dit, s’il est un domaine où le télétravail n’a pas grand sens, c’est bien celui de l’éducation. Assurément, les enseignants se démènent en ce moment pour réussir à transmettre leur matière, ou du moins, à consolider celle acquise au cours de l’année.
Malgré le confinement, ils font ce qu’ils peuvent pour aider leurs élèves.
Mais pour bien enseigner, il faut avoir ses étudiants devant soi.
Le bon professeur évalue vite le profil de ses étudiants. Il voit que tel élève est très doué et que tel autre l’est moins.
Il voit aussi que si on aborde ce dernier de la bonne manière, en parvenant à rejoindre son imaginaire, on peut lui faire découvrir un monde auquel il ne se croyait pas destiné : celui des idées.
Il devra, pour cela, rencontrer un professeur un peu singulier, emporté par son sujet, qui permet de voir le monde différemment à partir de sa matière. Ce professeur a un pouvoir particulier : celui de changer la vie des jeunes qui passent dans sa classe. Des décennies après avoir quitté sa classe, on s’en souviendra encore.
C’est même vrai à l’université. On y verra même de vraies relations d’amitié se nouer entre un professeur et certains de ses étudiants, surtout lorsqu’une passion commune les anime.
Mais pour cela, il faut avoir du temps pour se parler, à la pause, après le cours, après la session, et ainsi de suite.
ÉCRANS
Cela nous rappelle l’importance des contacts humains. Depuis quelques années, la soumission de l’humanité aux écrans laissait croire qu’ils étaient optionnels ou moins nécessaires qu’avant.
On constate actuellement à quel point ils sont vitaux. Zoom, Skype, Messenger et compagnie ne remplaceront jamais la vraie vie.
De même, à l’école, le meilleur logiciel ne remplacera jamais le contact avec ses élèves. Dans le cadre scolaire, le télétravail est une béquille.
Une béquille actuellement utile, certes. Mais une béquille n’est pas une jambe.