Le Journal de Montreal

Comment inciter les jeunes à ne pas travailler

J’ai bien peur que les jeunes ne soient pas très motivés à distribuer leur C. V. dans les jours qui viennent. Pourquoi ? Et comment leur en donner envie ?

- Daniel Germain daniel.germain @quebecorme­dia.com

À ceux qui lui ont fait remarquer que la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants (PCUE) de 1250 $ par mois risquait de décourager les jeunes à travailler cet été et de priver des PME de main-d’oeuvre, Justin Trudeau a offert une de ses répliques vagues et légères dont il a le secret, livrée dans le style doucereux bien à lui :

« Je connais les jeunes d’à travers le pays qui vont vouloir faire partie de la solution, qui vont vouloir aider, contribuer à la relance économique à leur façon. »

Il n’est pas toujours évident de décrypter les déclaratio­ns du premier ministre canadien, mais on croit comprendre que le patriotism­e serait assez fort chez les jeunes pour qu’ils oublient leurs intérêts personnels ou leurs notions de math.

LE PROBLÈME DES PCUE

La PCUE est une aide de 1250 $ par mois, versée de mai à août, offerte aux nouveaux diplômés sans emploi. Elle représente l’équivalent d’environ 95 heures de travail au salaire minimum (13,10 $ à partir du 1er mai), soit plus de 22 heures par semaine (il y a 4,3 semaines dans un mois).

De ce qu’on sait, les critères sont assez complaisan­ts, il suffit pour un jeune de gagner moins de 1000 $ par mois, soit l’équivalent de près de de 18 heures par semaine. Une fois ce cap franchi, il perd la PCUE au complet. C’est tout ou rien. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la 19e heure travaillée n’est pas rentable. Elle coûte au jeune 1236,90 $ (13,10 $ de gagnés, 1250 $ de perdus).

RENDRE LES PCU PROGRESSIV­ES

Outre le fait qu’elle est excessivem­ent généreuse, cette mesure a pour principal défaut, comme la PCU des travailleu­rs adultes, de ne pas prévoir un dispositif de récupérati­on progressiv­e. Plutôt que de couper l’aide d’un coup, il faudrait la réduire progressiv­ement.

Ce n’est pas comme s’il s’agissait d’un concept nouveau pour les Canadiens, toute notre fiscalité repose sur le principe de la progressiv­ité et la plupart des programmes sociaux prévoient un mécanisme de récupérati­on : crédit d’impôt pour la TPS, prime au travail, Aide sociale, Supplément de revenu garanti, etc.

Le défi reste de trouver la bonne vitesse de récupérati­on pour ne pas dissuader le bénéficiai­re de chercher du travail tout respectant la raison d’être de la mesure : mettre plus d’argent dans les poches de ceux qui en ont besoin.

Depuis le début de la crise, Ottawa ne cesse de rajouter des programmes pour soutenir ceux qui passaient à travers les mailles du filet.

Dans l’urgence, il les a élaborés de la manière la plus simple possible.

Maintenant, il doit resserrer un peu les critères pour ne pas décourager le monde de retourner travailler.

Le patriotism­e, j’ai peur que ça ne suffise pas.

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