Bilinguisme artificiel, mépris naturel
Le bilinguisme canadien officiel a toujours eu quelque chose d’artificiel.
Ce fut un bel effort pour rassurer des minorités relativement nombreuses et plutôt tapageuses, dans les années 1960.
Bel « effort » venu très (trop ?) tard dans l’histoire du Dominion, après des décennies de répression du français un peu partout (Rapport Durham, pendaison de Riel, règlement 17 en Ontario, etc.).
Sans ces offensives assimilatrices, les provinces de l’Ouest auraient pu être peuplées de francophones.
Au lieu de cela, des milliers de Québécois sont allés s’angliciser dans des manufactures aux États-Unis.
DÉCLIN ?
Certains dans le ROC y croient pour vrai, à l’idéal du bilinguisme ; ont appris le français, y voient une différence essentielle de leur pays.
Tout cela, il ne faut pas le nier, l’occulter.
L’idéal semble toutefois en perte de vitesse depuis plusieurs années, surtout avec la montée en puissance de l’anglais dans le numérique.
Signe récent : des membres d’un parti sérieux, les conservateurs, prétendent qu’une personne comme Peter Mckay est « bilingue ».
Dans la crise actuelle, suspendre l’obligation d’un étiquetage français-anglais pour certains produits pourrait en être un autre.
Je comprends tout à fait la colère du président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, Jean Johnson, qui a soutenu que pour des raisons d’urgence, on abandonne l’engagement « constitutionnel » linguistique, on fait des francophones des citoyens de seconde zone.
En même temps, il faut reconnaître qu’on est en situation d’urgence, et que cela justifie parfois certains accrocs en d’autres temps « inacceptables », ce qu’a expliqué Justin Trudeau.
Après tout, même le gouvernement du Québec a, depuis janvier, pris des mesures pour ne pas que les règles linguistiques empêchent qu’on se dote du matériel nécessaire à la lutte contre la pandémie.
Espérons simplement que ce qui est temporaire ne deviendra pas comme trop souvent permanent, ou récurrent.
TRADUCTION SIMULTANÉE
Mais depuis le début de la crise, il y a peut-être eu pire que l’étiquetage unilingue : la manière dont certains élus au Canada anglais ont méprisé leurs commettants francophones, dont la sécurité dépend de la bonne compréhension des informations et consignes.
Le premier ministre néo-brunswickois Blaine Higgs, ancien du parti francophobe « Cor », est sans doute le pire à ce chapitre.
Dans les premiers points de presse, il a carrément interdit les questions en français !
Il a fallu une intervention de la Commissaire aux langues officielles de la province, Shirley C. MacLean, pour qu’il daigne les accepter.
Il refuse aussi de se présenter avec un porte-parole francophone à ses côtés.
Les journalistes francophones doivent se contenter d’une traduction simultanée.
Autre fait éloquent : en conférence de presse avec Justin Trudeau, jeudi, le chef d’état-major Jonathan Vance a refusé de répondre en français à une question.
Après avoir prétendu qu’il blaguait, celui qui occupe un poste où le bilinguisme est obligatoire a expliqué que puisque la réponse était technique, il allait la formuler en anglais.
Le premier ministre néo-brunswickois Blaine Higgs, ancien du parti francophobe « Cor », est sans doute le pire à ce chapitre. Dans les premiers points de presse, il a carrément interdit les questions en français !
HYPOCRISIE
Urgence, vocabulaire technique… il semble toujours y avoir d’excellentes raisons pour échapper aux exigences du bilinguisme.
D’où l’impression d’une politique artificielle. À la limite hypocrite.