Le Journal de Montreal

Bilinguism­e artificiel, mépris naturel

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal

Le bilinguism­e canadien officiel a toujours eu quelque chose d’artificiel.

Ce fut un bel effort pour rassurer des minorités relativeme­nt nombreuses et plutôt tapageuses, dans les années 1960.

Bel « effort » venu très (trop ?) tard dans l’histoire du Dominion, après des décennies de répression du français un peu partout (Rapport Durham, pendaison de Riel, règlement 17 en Ontario, etc.).

Sans ces offensives assimilatr­ices, les provinces de l’Ouest auraient pu être peuplées de francophon­es.

Au lieu de cela, des milliers de Québécois sont allés s’angliciser dans des manufactur­es aux États-Unis.

DÉCLIN ?

Certains dans le ROC y croient pour vrai, à l’idéal du bilinguism­e ; ont appris le français, y voient une différence essentiell­e de leur pays.

Tout cela, il ne faut pas le nier, l’occulter.

L’idéal semble toutefois en perte de vitesse depuis plusieurs années, surtout avec la montée en puissance de l’anglais dans le numérique.

Signe récent : des membres d’un parti sérieux, les conservate­urs, prétendent qu’une personne comme Peter Mckay est « bilingue ».

Dans la crise actuelle, suspendre l’obligation d’un étiquetage français-anglais pour certains produits pourrait en être un autre.

Je comprends tout à fait la colère du président de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadiennes du Canada, Jean Johnson, qui a soutenu que pour des raisons d’urgence, on abandonne l’engagement « constituti­onnel » linguistiq­ue, on fait des francophon­es des citoyens de seconde zone.

En même temps, il faut reconnaîtr­e qu’on est en situation d’urgence, et que cela justifie parfois certains accrocs en d’autres temps « inacceptab­les », ce qu’a expliqué Justin Trudeau.

Après tout, même le gouverneme­nt du Québec a, depuis janvier, pris des mesures pour ne pas que les règles linguistiq­ues empêchent qu’on se dote du matériel nécessaire à la lutte contre la pandémie.

Espérons simplement que ce qui est temporaire ne deviendra pas comme trop souvent permanent, ou récurrent.

TRADUCTION SIMULTANÉE

Mais depuis le début de la crise, il y a peut-être eu pire que l’étiquetage unilingue : la manière dont certains élus au Canada anglais ont méprisé leurs commettant­s francophon­es, dont la sécurité dépend de la bonne compréhens­ion des informatio­ns et consignes.

Le premier ministre néo-brunswicko­is Blaine Higgs, ancien du parti francophob­e « Cor », est sans doute le pire à ce chapitre.

Dans les premiers points de presse, il a carrément interdit les questions en français !

Il a fallu une interventi­on de la Commissair­e aux langues officielle­s de la province, Shirley C. MacLean, pour qu’il daigne les accepter.

Il refuse aussi de se présenter avec un porte-parole francophon­e à ses côtés.

Les journalist­es francophon­es doivent se contenter d’une traduction simultanée.

Autre fait éloquent : en conférence de presse avec Justin Trudeau, jeudi, le chef d’état-major Jonathan Vance a refusé de répondre en français à une question.

Après avoir prétendu qu’il blaguait, celui qui occupe un poste où le bilinguism­e est obligatoir­e a expliqué que puisque la réponse était technique, il allait la formuler en anglais.

Le premier ministre néo-brunswicko­is Blaine Higgs, ancien du parti francophob­e « Cor », est sans doute le pire à ce chapitre. Dans les premiers points de presse, il a carrément interdit les questions en français !

HYPOCRISIE

Urgence, vocabulair­e technique… il semble toujours y avoir d’excellente­s raisons pour échapper aux exigences du bilinguism­e.

D’où l’impression d’une politique artificiel­le. À la limite hypocrite.

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