Le Journal de Montreal

Chassé du chevet de sa mère en CHSLD après l’avoir ravivée

L’homme prétend que c’est grâce à sa présence qu’elle n’est plus considérée en fin de vie

- JONATHAN TREMBLAY

Un Montréalai­s est outré de s’être fait montrer la porte d’un CHSLD maintenant que sa mère n’est plus mourante.

« C’est l’indignatio­n complète dans la famille, peste Réal Migneault, 53 ans. Ça marchait ! Ma mère prenait du mieux depuis que je la visitais, et là on me dit que je n’ai plus le droit de la voir. »

« On flushe des gens qui pourraient être sauvés. Combien sont morts comme ça ? » se questionne-t-il, à propos des dommages collatérau­x de la pandémie.

Diagnostiq­uée avec la COVID-19 à la mi-avril, Thérèse Marineau, 85 ans, a dépéri au point où la Résidence Berthiaume-Du Tremblay la croyait en fin de vie, le 22 avril.

« Le médecin m’a dit qu’elle était condamnée, souffle son fils. Son état se détériorai­t rapidement, en partie parce qu’elle refusait de s’alimenter et de boire. »

Le personnel l’a donc contacté le jour même afin qu’il puisse lui rendre quelques dernières « visites humanitair­es ». Il devait revêtir tout l’attirail de protection nécessaire.

« Quand je suis arrivé là, ils te l’avaient confinée solide dans une chambre, raconte M. Migneault. Elle était confuse et n’a jamais rien compris de ce qui se passait. Elle disait non à tout, tellement elle avait peur. C’était une femme complèteme­nt atterrée dans sonlit.»

DÉTRESSE PSYCHOLOGI­QUE

Sans se prétendre expert, il a rapidement réalisé que sa mère semblait souffrir davantage de détresse psychologi­que que du virus.

« C’est pas dur à comprendre. Il y a une composante psychologi­que importante là-dedans, précise-t-il. Mais je ne pointe personne du doigt. Ils [les employés] sont débordés. »

Puis, Mme Marineau s’est presque instantané­ment mise à prendre du mieux. Son fils l’aidait à se nourrir, elle qui a des problèmes de mobilité. Il lui peignait les cheveux et lui fredonnait ses chansons préférées.

« C’était le jour et la nuit, témoigne M. Migneault. La dernière fois que je l’ai vue, elle parlait et chantait du Frank Sinatra. »

Si bien que six jours plus tard, la direction de la résidence l’a rappelé, non pas pour le féliciter, mais pour lui annoncer que son droit de visite était révoqué.

« Votre mère va mieux et n’est plus sur le point de mourir. Vous ne pouvez plus venir. Les proches aidants ne sont pas autorisés », aurait-il reçu comme explicatio­n.

Il a tenté tant bien que mal de se faire entendre par le commissair­e aux plaintes, sans succès.

MANQUE DE JUGEMENT

« Chaque fois que je la visitais, je la ramenais, déplore le Montréalai­s, qui crie à l’aide pour revoir sa mère. L’espoir a été fracassé. Il y a un manque de jugement. On la pénalise parce qu’elle a pris du mieux. »

Selon lui, il s’agit d’une question de temps, « une urgence », même.

D’après ses calculs, cela fera aujourd’hui cinq jours que Mme Marineau ne mangerait plus « adéquateme­nt ».

« Vous imaginez le cynisme si ma mère retombe en fin de vie et que les “visites humanitair­es” doivent être autorisées à nouveau ? » philosophe son fils.

 ?? PHOTO PIERRE-PAUL POULIN ?? Réal Migneault s’attriste de ne plus pouvoir visiter sa mère malade au CHSLD Berthiaume-Du Tremblay à Montréal. En mortaise, on voit la femme de 85 ans, Thérèse Marineau, dans son lit. Atteinte du coronaviru­s, elle a été considérée en fin de vie avant de prendre du mieux.
PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Réal Migneault s’attriste de ne plus pouvoir visiter sa mère malade au CHSLD Berthiaume-Du Tremblay à Montréal. En mortaise, on voit la femme de 85 ans, Thérèse Marineau, dans son lit. Atteinte du coronaviru­s, elle a été considérée en fin de vie avant de prendre du mieux.

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