Le Journal de Montreal

Un monde à ne rien faire

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com The Atlantic

Ce n’est jamais assez, mais le coup de pouce qu’apportent Ottawa et Québec à ceux que le coronaviru­s tient loin de leurs activités fait des envieux au sud de la frontière. Des millions d’Américains, avec un trop mince filet social, sortent de chez eux à leur risque et péril.

Tous ceux qui, aux États-Unis, s’interrogen­t sur la voie que suivra la suite de cette pandémie ont les yeux rivés sur la Géorgie. Le gouverneur Brian Kemp a été agressif dans sa volonté de rouvrir l’économie de son État, au point de s’attirer les critiques de Donald Trump lui-même.

Les églises, les salons de coiffure, de manucure et de tatouage, ainsi que les gyms ont d’abord rouvert, puis, cette semaine, les restaurant­s et les cinémas. Pas que la Géorgie ait été épargnée par le virus : avec près de 27 000 cas et plus de 1150 décès pour dix millions d’habitants, le bilan est lourd.

Avec cette réouvertur­e hâtive, les modèles développés par les experts en santé publique prévoient une explosion du nombre de victimes géorgienne­s de la COVID-19. Sauf que faute d’un soutien suffisant d’Atlanta, les travailleu­rs – comme le résumait la revue mercredi dernier – se retrouvent face à un dilemme tragique : risquer de mourir au travail ou se ruiner financière­ment à la maison.

DES CHIFFRES ÉTOURDISSA­NTS

L’imaginatio­n peine à saisir le nombre d’emplois que le déferlemen­t du coronaviru­s a fait disparaîtr­e. Près de quatre millions de nouveaux demandeurs d’aide au chômage aux États-Unis la semaine dernière et plus de trente millions en six semaines : on se trouve au-delà des tourments de la Grande dépression.

Et de 3,6 % en début d’année, les analystes font dans la surenchère pour prédire le taux de chômage qui s’en vient : près de 10 % à la fin de 2020 pour NABE, une associatio­n d’économiste­s ; 15 % selon Goldman Sachs ; 20 % de chômage, estime JPMorgan Chase !

Les grandes institutio­ns internatio­nales ne sont guère plus encouragea­ntes. Le recul des échanges

commerciau­x pourrait atteindre 35 %, selon l’OMC. L’OCDE affirme que les signaux de ses 37 membres – des pays développés pour la plupart – n’ont jamais été aussi alarmants et certains scénarios du Fonds monétaire internatio­nal entrevoien­t pire encore que les misères des années 30.

UN SAUVETAGE PLANÉTAIRE

Par chance, les gouverneme­nts et leur banque centrale n’attendent pas

la « main invisible » de l’économie de marché pour agir. L’Allemagne a interrompu son enchaîneme­nt de budgets équilibrés et débloqué des centaines de milliards de dollars – 10 % de son PIB – pour amortir le choc de la crise.

Les Américains font pareil, alors que les Japonais ont doublé la mise : un plan de sauvetage qui correspond à 20 % de leur PIB. Au total, on prévoit que 10 000 milliards de dollars en fonds publics seront nécessaire­s pour retrouver un semblant de normalité.

Conséquenc­e inévitable : une explosion de l’endettemen­t qui va compromett­re d’autres investisse­ments pourtant nécessaire­s dans les infrastruc­tures, en éducation ou dans la lutte au changement climatique. Le président Trump compte sur une reprise à l’automne et une « année spectacula­ire » en 2021. À voir les taux de chômage et l’état des finances publiques mondiales, c’est mieux d’être vrai.

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