Le Journal de Montreal

Le deuil du normal

- EMMANUELLE LATRAVERSE Analyste politique

Il y a une époque où l’éveil timide puis enthousias­te de la nature au printemps nous sortait de la torpeur de l’hiver. Nous étions pleins d’anticipati­on, de projets pour cet été qui n’arrivait jamais assez vite.

Le printemps 2020 a plutôt été emporté par une vague de deuils successifs.

Le deuil de nos vies sociales, de nos petites routines rassurante­s semblait temporaire ; un petit sacrifice pour le bien commun. Le deuil de la sécurité financière a été source d’angoisse exceptionn­elle.

Puis, nous avons encaissé les deuils tragiques. Celui des êtres chers, les 2136 mères, tantes, grands-parents, amis fauchés par ce virus insidieux. Nous nous sommes engouffrés dans le deuil collectif face à l’échec de notre société de protéger les plus vulnérable­s.

Nous vivions tous dans l’illusion que le déconfinem­ent marquerait la fin de ces deuils.

Au contraire, les débats de la dernière semaine nous confronten­t à un nouveau deuil, moins tragique, mais plus profond : le deuil du normal.

VIVRE AVEC LE RISQUE

On croyait qu’une fois la crise passée, ça irait mieux. On découvre que ce sera autrement plus compliqué. Le risque d’une nouvelle vague planera dorénavant sur nos vies.

Combien de parents et d’enfants ont applaudi la réouvertur­e des écoles et des garderies !

Les enfants pourraient enfin sortir de la maison, jouer, s’exciter. On découvre qu’ils devront être enrôlés dans un nouveau cadre où la liberté de l’enfance doit céder le pas au devoir sanitaire.

Cruelle, une garderie sans peluches et pâte à modeler avec des éducatrice­s masquées ? Ennuyante, une cour d’école sans parties de soccer ? Triste, une fin du secondaire sans bal de finissants ? Oui, oui et oui.

Travail, épicerie, école, tous les aspects de nos vies seront dorénavant soumis à la gestion du risque. C’est ça le déconfinem­ent.

UNE NOUVELLE NORMALITÉ

D’ici la découverte d’un vaccin ou d’un remède, la COVID-19 ne cessera d’imposer ses contrainte­s.

On oublie les 5 à 7, les feux de camp entre amis. On oublie les plages du Maine et l’envie de s’envoler aux quatre coins du monde en quête de dépaysemen­t.

Fuir ? Subir ? Accepter ? Le choix nous appartient. Je choisis le stoïcisme.

Comme le dit cette prière aux origines nébuleuses :

« Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en connaître la différence. »

La prière de la sérénité me semble un bon mantra ces jours-ci.

Le déconfinem­ent nous forcera à apprivoise­r une nouvelle normalité, portée par le risque et les contrainte­s

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Travail, épicerie, école, tous les aspects de nos vies seront dorénavant soumis à la gestion du risque.
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