Le Journal de Montreal

La filière alimentair­e sinistrée

Les impacts de la pandémie pourraient achever plusieurs entreprise­s du secteur

- FRANCIS HALIN

Des éleveurs de porcs, de boeufs et de poulet déjà aux prises avec une chute brutale de la demande des consommate­urs et des restaurant­s n’arrivent plus à envoyer leurs bêtes dans les abattoirs ravagés par la COVID-19.

« La filière alimentair­e est sous le choc. C’est historique, lance au Journal Marcel Groleau, président général de l’Union des producteur­s agricoles (UPA). On ne peut pas ajuster la production en claquant des doigts. » Ces derniers jours, des travailleu­rs d’abattoirs ont été infectés par la COVID-19, ce qui les a forcés à ralentir ou carrément cesser leurs activités. Résultat, la filière alimentair­e en a pris pour son rhume allant jusqu’à multiplier les dons pour écouler ses surplus.

√ Plus de 100 000 porcs débordent des porcheries, selon les Éleveurs de porcs du Québec.

√ Près de 5000 boeufs sont en attente, d’après Les Producteur­s de bovins du Québec.

√ Plus de 15 % de la production de volailles a été réduite même si la situation dans ce type d’abattoir est meilleure, notent Les Éleveurs de volailles du Québec.

Malgré l’aide tardive d’Ottawa (voir texte

ci-contre), le problème de surplus d’élevage risque de persister, ce qui aura un impact sur le prix de la viande et le rationneme­nt d’achat en magasin (voir texte page 28).

« Il y a des surplus sur pattes, image Sylvie Cloutier, PDG du Conseil de la transforma­tion alimentair­e du Québec (CTAQ). La chaîne est encore fragilisée. Plus de 35 % des transforma­teurs alimentair­es fournissai­ent les restaurant­s et les hôtels. »

ÉLEVAGE À RISQUE

À Farnham, en Montérégie, l’un des plus importants producteur­s de boeuf québécois avec un cheptel de 4000 bêtes craint de devoir cesser ses activités parce que la COVID-19 a gagné les abattoirs qui achètent ses animaux.

« On ne peut pas justifier devant un banquier trois ans de pertes en lui disant : “Notre plan, c’est qu’il y ait plus de joueurs sur le marché et que le prix se replace” », soupire la copropriét­aire et présidente de la Ferme Janor, Marie-Claude Mainville.

Fondée en 1984, par son père, la Ferme Janor a un cheptel de 4000 bêtes à Farnham et à Saint-Anicet. Même si elle est passionnée par ses animaux, Marie-Claude Mainville envisage de jeter l’éponge pour se consacrer uniquement à l’agricultur­e

« S’il n’y a pas d’abattoirs pour acheter les boeufs, on fait quoi ? On ne peut pas abattre ça, des petites bêtes comme ça, pour le plaisir. C’est inhumain », ajoute à côté d’elle son associé, Jean-Marc Paradis, entouré des chiens de la ferme.

« Si l’abattoir Cargill Guelph ferme, ce sera une catastroph­e pour les producteur­s du Québec », craint de son côté le coordonnat­eur de Boeuf Québec, Jean-Sébastien Gascon.

Ces dernières années, de nombreux abattoirs québécois ont fermé leurs portes. Billette (2007), Colbex (2012) et Laroche (2015). Aujourd’hui, seuls Forget (acheté par Montpak en 2019), Richelieu et quelques autres poursuiven­t leurs activités.

« La clé, c’est le consommate­ur, insiste Jean-Sébastien Gascon. Si le consommate­ur tombe en amour avec le boeuf du Québec, comme il l’a fait avant pour le lait, les oeufs, le poulet, le porc, etc., la demande permettra de reconstrui­re la filière. »

Aux États-Unis, les géants de l’abattage comme Cargill, JBS ou Tyson ont été forcés de fermer ou de réduire leurs activités parce que leurs travailleu­rs avaient attrapé le coronaviru­s au point où le président Donald Trump s’est empressé de signer un décret pour garder les abattoirs ouverts, craignant des pénuries.

 ?? PHOTO FRANCIS HALIN ?? La productric­e de boeuf de deuxième génération, Marie-Claude Mainville, et son associé, Jean-Marc Paradis, de la Ferme Janor, à Farnham, aimeraient ne plus dépendre des gros acteurs du secteur de l’abattage pour obtenir de meilleurs prix pour leurs bêtes.
PHOTO FRANCIS HALIN La productric­e de boeuf de deuxième génération, Marie-Claude Mainville, et son associé, Jean-Marc Paradis, de la Ferme Janor, à Farnham, aimeraient ne plus dépendre des gros acteurs du secteur de l’abattage pour obtenir de meilleurs prix pour leurs bêtes.

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