Le Journal de Montreal

Que restera-t-il après la crise ?

- JOSEPH FACAL

Qu’est-ce qui changera et qu’est-ce qui ne changera pas après la crise ?

Le confinemen­t radical imposé un peu partout a montré que lorsque nos sociétés sont au pied du mur, quand on doit choisir entre sauver des vies et faire de l’argent, on privilégie la vie… temporaire­ment.

Cela veut dire que la décence et l’humanisme ne sont pas disparus.

VALEUR

On pouvait pourtant, jusque-là, en douter.

Le philosophe américain Michael Sandel déplore depuis longtemps que nous soyons passés, inconsciem­ment, d’une économie de marché à une société de marché.

Nous avons de moins en moins, d’un côté, une économie fondée sur la valeur financière d’une marchandis­e et, d’un autre côté, le reste de la société fondé sur d’autres valeurs.

De plus en plus, toute notre société s’est pliée aux exigences du marché.

Si la valeur d’une chose ne se calcule pas en dollars, elle devient secondaire.

On fait de la valeur d’une chose et de son prix des synonymes. On met une étiquette de prix sur tout.

On juge la valeur d’une personne à ses liquidités, sa grosse maison et ses chars de luxe.

La logique marchande est devenue la logique fondamenta­le, presque unique, de nos sociétés.

Le travail accapare tout. On retourne des courriels profession­nels tard en soirée.

Or, la crise fait redécouvri­r d’autres valeurs : le chez-soi, le temps libre, le temps passé avec nos proches, la douceur particuliè­re du dimanche quand les commerces sont fermés.

Il en restera quoi après la crise ? Évidemment, le télétravai­l se répandra.

Pourquoi une entreprise louerait-elle des milliers de pieds carrés au centre-ville si les employés peuvent faire presque 100 % de leur ouvrage chez eux ?

Les rendez-vous médicaux au téléphone, l’enseigneme­nt en ligne, la livraison à domicile, tout cela prendra de l’ampleur.

Achèterons-nous plus de produits locaux ?

Peut-être, mais ce n’est pas tout le monde qui a les moyens de payer plus cher le produit local que le produit importé, et vous aurez du mal à trouver un producteur local pour des tas de marchandis­es.

Serons-nous moins complaisan­ts envers la Chine ? Je suis sceptique.

D’abord, l’exemple devra venir des gros joueurs, de ceux qui auraient les moyens de lui tenir tête.

Ensuite, il faudrait une révolution intellectu­elle dans les têtes de nos dirigeants.

Si la Chine est devenue la manufactur­e du monde, c’est parce que nos dirigeants ont laissé se déployer une forme extrême de capitalism­e, qui juge bon de tout envoyer en Chine si c’est pour produire toujours moins cher et faire toujours plus de profit.

« Si la valeur d’une chose ne se calcule pas en dollars, elle devient secondaire. »

ET VOUS ?

Nos gouverneme­nts vont aussi, j’imagine, mieux se préparer pour la prochaine crise sanitaire.

On stockera davantage d’équipement médical, et on comprendra mieux l’importance d’encourager la recherche scientifiq­ue.

Chez nous, je verrais parfaiteme­nt une commission d’enquête sur la tragédie survenue dans les CHSLD, et sur la qualité générale de notre préparatio­n quand la pandémie a éclaté.

Dans ma prochaine chronique, je traiterai de ce qui, soyez-en sûrs, ne changera pas.

Mais d’ici là, je serais curieux de vous entendre.

Changerez-vous quelque chose dans votre mode de vie ? Quoi ?

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