Que restera-t-il après la crise ?
Qu’est-ce qui changera et qu’est-ce qui ne changera pas après la crise ?
Le confinement radical imposé un peu partout a montré que lorsque nos sociétés sont au pied du mur, quand on doit choisir entre sauver des vies et faire de l’argent, on privilégie la vie… temporairement.
Cela veut dire que la décence et l’humanisme ne sont pas disparus.
VALEUR
On pouvait pourtant, jusque-là, en douter.
Le philosophe américain Michael Sandel déplore depuis longtemps que nous soyons passés, inconsciemment, d’une économie de marché à une société de marché.
Nous avons de moins en moins, d’un côté, une économie fondée sur la valeur financière d’une marchandise et, d’un autre côté, le reste de la société fondé sur d’autres valeurs.
De plus en plus, toute notre société s’est pliée aux exigences du marché.
Si la valeur d’une chose ne se calcule pas en dollars, elle devient secondaire.
On fait de la valeur d’une chose et de son prix des synonymes. On met une étiquette de prix sur tout.
On juge la valeur d’une personne à ses liquidités, sa grosse maison et ses chars de luxe.
La logique marchande est devenue la logique fondamentale, presque unique, de nos sociétés.
Le travail accapare tout. On retourne des courriels professionnels tard en soirée.
Or, la crise fait redécouvrir d’autres valeurs : le chez-soi, le temps libre, le temps passé avec nos proches, la douceur particulière du dimanche quand les commerces sont fermés.
Il en restera quoi après la crise ? Évidemment, le télétravail se répandra.
Pourquoi une entreprise louerait-elle des milliers de pieds carrés au centre-ville si les employés peuvent faire presque 100 % de leur ouvrage chez eux ?
Les rendez-vous médicaux au téléphone, l’enseignement en ligne, la livraison à domicile, tout cela prendra de l’ampleur.
Achèterons-nous plus de produits locaux ?
Peut-être, mais ce n’est pas tout le monde qui a les moyens de payer plus cher le produit local que le produit importé, et vous aurez du mal à trouver un producteur local pour des tas de marchandises.
Serons-nous moins complaisants envers la Chine ? Je suis sceptique.
D’abord, l’exemple devra venir des gros joueurs, de ceux qui auraient les moyens de lui tenir tête.
Ensuite, il faudrait une révolution intellectuelle dans les têtes de nos dirigeants.
Si la Chine est devenue la manufacture du monde, c’est parce que nos dirigeants ont laissé se déployer une forme extrême de capitalisme, qui juge bon de tout envoyer en Chine si c’est pour produire toujours moins cher et faire toujours plus de profit.
« Si la valeur d’une chose ne se calcule pas en dollars, elle devient secondaire. »
ET VOUS ?
Nos gouvernements vont aussi, j’imagine, mieux se préparer pour la prochaine crise sanitaire.
On stockera davantage d’équipement médical, et on comprendra mieux l’importance d’encourager la recherche scientifique.
Chez nous, je verrais parfaitement une commission d’enquête sur la tragédie survenue dans les CHSLD, et sur la qualité générale de notre préparation quand la pandémie a éclaté.
Dans ma prochaine chronique, je traiterai de ce qui, soyez-en sûrs, ne changera pas.
Mais d’ici là, je serais curieux de vous entendre.
Changerez-vous quelque chose dans votre mode de vie ? Quoi ?