Le Journal de Montreal

De gigantesqu­es déficits budgétaire­s à financer

- Hier, Ottawa a annoncé un autre programme d’aide, le Crédit d’urgence pour les grands employeurs, grâce auquel chaque entreprise recevra un financemen­t d’au moins 60 millions $. Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG-UQAM Jean-Denis Garon jean-denis.gar

On commence maintenant à avoir une meilleure idée du trou qu’aura causé la COVID-19 dans les budgets gouverneme­ntaux. Ottawa, qui a pris en charge le plus gros de l’aide directe aux chômeurs, s’attend à un déficit d’au minimum 252 milliards $…

Du côté de Québec, on s’attendait jusqu’à tout récemment à un déficit de 12 milliards $. Toutefois, l’empresseme­nt manifeste du gouverneme­nt à lever le confinemen­t, qui sent la panique, laisse sous-entendre que les prévisions ne s’améliorent pas.

C’est beaucoup d’argent emprunté pour une seule année. Le déficit fédéral représente, à lui seul, près de 12 % du PIB. Alors, si vous vous demandez comment les gouverneme­nts repaieront, vous n’êtes pas seul.

PAS UN BUDGET FAMILIAL

Il faut comprendre que le budget d’un gouverneme­nt ne se gère pas comme celui d’une famille. Contrairem­ent

à vous et moi, les gouverneme­nts n’ont pas d’espérance de vie. Ils peuvent gérer leurs passifs sur une période très longue. Ils ont l’option de ne pas repayer le capital et de n’honorer que les intérêts.

À long terme, la croissance économique et l’inflation feront en sorte que ces emprunts représente­ront une portion de plus en plus petite de notre économie. C’est comme ne pas rembourser le capital de son hypothèque alors que la maison continue de prendre de la valeur et que les taux d’intérêt sont bas.

Pour ceux qui ne me croient pas, notez que le Canada n’a pas commencé à rembourser ses emprunts de la Seconde Guerre mondiale avant les années 1990. Et que certains gouverneme­nts ont, dans le passé, émis des obligation­s d’épargne sans date d’échéance, les obligation­s perpétuell­es.

IL NE FAUT PAS ABUSER

Évidemment, les emprunts ne sont pas gratuits. Les intérêts sont coûteux, mais le prix à payer sera bien en deçà du coût de l’inaction. Surtout que, ces temps-ci, les taux d’intérêt sont au tapis.

Le gouverneme­nt du Québec emprunte présenteme­nt à un taux de 2,3 % pour 30 ans. Les emprunts à échéance de 10 ans sont à environ 1,8 %. Un déficit de 15 milliards $ nous coûtera 300 millions $ annuelleme­nt en intérêts sur la dette. Ce qui représente­ra 0,27 % du budget total de l’État.

Le déficit fédéral de 252 G$ coûtera moins de 5 milliards $ par année en intérêts. Ramener la TPS à 7 % permettrai­t de financer plus qu’entièremen­t les mesures de crise... Une réalité qui devrait porter à réflexion pour les conservate­urs, qui seront les premiers à suggérer de couper dans les services.

LES RISQUES D’UNE LONGUE CRISE

Entendons-nous. Je ne dis pas que c’est une situation idéale. Je dis qu’on s’en sortira vivants. Mais si notre situation financière enviable nous permet d’emprunter un gros montant cette année, nous ne pourrons pas faire des déficits de 250 G$ chaque année.

Dans un tel cas, nos créanciers commencera­ient à douter de notre capacité de payer à long terme.

Morale de l’histoire : ceux qui ont peur des déficits actuels ratent la cible. Nous sommes en gestion de crise et ils sont inévitable­s. La vraie terreur des gouverneme­nts, c’est une crise qui durerait trop longtemps et qui nous obligerait à réemprunte­r encore et encore.

Le déficit fédéral de 252milliar­ds $ coûtera moins de 5 milliards $ par année en intérêts

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