Le Journal de Montreal

Une entreprise a tenté de profiter des failles de la PCU

Nolinor Aviation offrait à ses employés de les payer plus tard

- PHILIPPE ORFALI

« CERTAINS D’ENTRE VOUS NE VEULENT PAS ÊTRE PAYÉS DURANT LEUR PÉRIODE PCU. NOUS VOUS OFFRONS DE BANQUER VOTRE TEMPS ET VOS PER DIEM ET DE PAYER CETTE SOMME LORSQUE VOUS REVIENDREZ À TEMPS PLEIN »

– Extrait d’une lettre envoyée par la directrice des ressources humaines de Nolinor Aviation, Marjorie Lafrance

Le transporte­ur Nolinor a proposé à ses employés de reporter leur paie à plus tard pour qu’ils touchent à la fois leur salaire et la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $, a appris Le Journal . Un cas qui s’apparente à de la fraude, prévient Ottawa.

Aux pilotes ou agents de bord qui ne souhaitaie­nt pas travailler de peur de perdre l’aide fédérale, l’entreprise a offert de « mettre en banque » les heures réalisées et les indemnités (per diem) auxquelles ils avaient droit, démontrent des courriels que nous avons obtenus.

Or, les règles sont claires : tout employé qui gagne 1000 $ ou plus n’est pas admissible à cette aide spéciale du gouverneme­nt Trudeau. Et toute heure travaillée doit être comptabili­sée et payée.

« C’est de la fraude », déplore le fiscaliste Luc Godbout, de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de

Sherbrooke. « C’est équivalent aux entreprise­s qui paient leur personnel en cartes-cadeaux pour maintenir leur PCU. On est dans une situation non conforme, une situation qui contrevien­t à la loi et à l’esprit de la loi. »

Dans les premières semaines de la pandémie, la multiplica­tion des programmes a créé une certaine confusion, admet-il, mais les règles sont aujourd’hui limpides.

Au cabinet de la ministre du Revenu national, Diane Lebouthill­ier, aussi, on qualifie ce stratagème de « fraude ».

« Nous ne tolérerons pas de tels abus », affirme le porte-parole Jeremy Bellefeuil­le.

Pire, si des employés mettent « en banque » des heures travaillée­s au lieu de se les faire payer, cela rendrait l’employeur inadmissib­le à la Subvention salariale d’urgence (SSUC) », qui couvre jusqu’à 75 % des salaires, dit M. Bellefeuil­le.

« Toute personne qui abuse du programme pourrait se voir infliger des sanctions allant jusqu’à 225 % de la valeur de la subvention et jusqu’à cinq ans de prison. »

LE PATRON PLAIDE L’ERREUR

Joint par Le Journal , le président de Nolinor, Marco Prud’Homme, soutient qu’il s’agit d’une erreur de la direction des ressources humaines de l’entreprise.

« Bien que seulement 15 de nos 200 employés ont opté pour cette option [...] cette façon de faire n’était pas conforme et nous avons corrigé le tir », a-t-il indiqué. Il a néanmoins qualifié la situation de « légendes urbaines d’employés frustrés », et blâmé le caractère « complexe » de la PCU.

Mais M. Godbout doute de ces arguments. « Est-ce que l’entreprise ferait ça pour l’assurance-emploi ? Est-ce qu’on offrirait au personnel de travailler tout en continuant à toucher leur chèque de chômage ? Bien sûr que non », dit-il.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI ?? Nolinor proposait de repousser la paie de ses employés afin qu’ils touchent la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $. Un exemple flagrant de fraude, selon la ministre du Revenu, Diane Lebouthill­ier. Le transporte­ur a récemment utilisé le plus gros avion du monde, l’Antonov AN-225, pour acheminer des équipement­s médicaux achetés en Chine par le gouverneme­nt du Québec.
PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI Nolinor proposait de repousser la paie de ses employés afin qu’ils touchent la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $. Un exemple flagrant de fraude, selon la ministre du Revenu, Diane Lebouthill­ier. Le transporte­ur a récemment utilisé le plus gros avion du monde, l’Antonov AN-225, pour acheminer des équipement­s médicaux achetés en Chine par le gouverneme­nt du Québec.
 ??  ?? MARCO PRUD’HOMME
Président de Nolinor
MARCO PRUD’HOMME Président de Nolinor
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada