Une entreprise a tenté de profiter des failles de la PCU
Nolinor Aviation offrait à ses employés de les payer plus tard
« CERTAINS D’ENTRE VOUS NE VEULENT PAS ÊTRE PAYÉS DURANT LEUR PÉRIODE PCU. NOUS VOUS OFFRONS DE BANQUER VOTRE TEMPS ET VOS PER DIEM ET DE PAYER CETTE SOMME LORSQUE VOUS REVIENDREZ À TEMPS PLEIN »
– Extrait d’une lettre envoyée par la directrice des ressources humaines de Nolinor Aviation, Marjorie Lafrance
Le transporteur Nolinor a proposé à ses employés de reporter leur paie à plus tard pour qu’ils touchent à la fois leur salaire et la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $, a appris Le Journal . Un cas qui s’apparente à de la fraude, prévient Ottawa.
Aux pilotes ou agents de bord qui ne souhaitaient pas travailler de peur de perdre l’aide fédérale, l’entreprise a offert de « mettre en banque » les heures réalisées et les indemnités (per diem) auxquelles ils avaient droit, démontrent des courriels que nous avons obtenus.
Or, les règles sont claires : tout employé qui gagne 1000 $ ou plus n’est pas admissible à cette aide spéciale du gouvernement Trudeau. Et toute heure travaillée doit être comptabilisée et payée.
« C’est de la fraude », déplore le fiscaliste Luc Godbout, de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de
Sherbrooke. « C’est équivalent aux entreprises qui paient leur personnel en cartes-cadeaux pour maintenir leur PCU. On est dans une situation non conforme, une situation qui contrevient à la loi et à l’esprit de la loi. »
Dans les premières semaines de la pandémie, la multiplication des programmes a créé une certaine confusion, admet-il, mais les règles sont aujourd’hui limpides.
Au cabinet de la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, aussi, on qualifie ce stratagème de « fraude ».
« Nous ne tolérerons pas de tels abus », affirme le porte-parole Jeremy Bellefeuille.
Pire, si des employés mettent « en banque » des heures travaillées au lieu de se les faire payer, cela rendrait l’employeur inadmissible à la Subvention salariale d’urgence (SSUC) », qui couvre jusqu’à 75 % des salaires, dit M. Bellefeuille.
« Toute personne qui abuse du programme pourrait se voir infliger des sanctions allant jusqu’à 225 % de la valeur de la subvention et jusqu’à cinq ans de prison. »
LE PATRON PLAIDE L’ERREUR
Joint par Le Journal , le président de Nolinor, Marco Prud’Homme, soutient qu’il s’agit d’une erreur de la direction des ressources humaines de l’entreprise.
« Bien que seulement 15 de nos 200 employés ont opté pour cette option [...] cette façon de faire n’était pas conforme et nous avons corrigé le tir », a-t-il indiqué. Il a néanmoins qualifié la situation de « légendes urbaines d’employés frustrés », et blâmé le caractère « complexe » de la PCU.
Mais M. Godbout doute de ces arguments. « Est-ce que l’entreprise ferait ça pour l’assurance-emploi ? Est-ce qu’on offrirait au personnel de travailler tout en continuant à toucher leur chèque de chômage ? Bien sûr que non », dit-il.