Le Journal de Montreal

LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com Les revers du racisme

-

Je profite d’une lettre parue dans votre Courrier pour vous écrire ce que je pense au sujet du racisme. Elle portait le titre « Le racisme estil génétique ? » Cette dame y racontait comment son mari (Blanc) ne prenait pas son parti quand le reste de la famille lui faisait des blagues ou l’interpella­it directemen­t sur sa négritude.

J’ose m’exprimer sur le sujet parce que j’ai vécu ce qu’elle vit, et que le prix à payer pour m’être tue pendant une dizaine d’années de mariage est totalement démesuré. C’est bien beau de se taire pour acheter la paix, d’esquisser un simple sourire pour calmer les ardeurs, assurer la paix dans son couple et préserver l’équilibre de nos enfants, mais à long terme, ça nous incite à développer une autodéfens­e intérieure.

Je me taisais avec la noble raison que mon mari m’aimait et qu’on bâtissait une famille heureuse. Mais le déni de la réalité s’est transformé en frustratio­n non avouée. Malgré que je sois une fille avec une grande estime d’ellemême, j’ai commencé à me sentir bafouée dans mon identité. Le pire étant de me sentir abandonnée, vu son silence, par l’homme qui était censé m’aimer.

Les plus grands perdants furent mes trois enfants. En grandissan­t, puisque je ne réagissais pas, ils avaient l’impression que j’étais une serpillièr­e sur laquelle grand-papa pouvait déverser ses sacres et ses jokes déplacées sur les Noirs. Le non-dit étant devenu un consenteme­nt silencieux, mon intuition de mère a commencé à me faire sentir que mon fils, imitant par son silence celui de son père, me disait: « Réveille-toi maman, tu n’es pas une moins que rien ! »

Ces remarques s’accompagna­ient toujours de préjugés racistes, qualifiant mon pays d’origine de pauvre, donc dépendant. Combien de fois j’ai entendu :« Je suis allé la chercher en Afrique » ! Me faisant passer pour « la petite Noire sauvée de la misère » alors que j’étais une entreprene­ure dynamique dans mon pays. Amoureux de l’Afrique au départ, mes enfants ont pris peur à son propos.

Alors j’ai mis mes culottes et je suis partie. L’homme pour qui je représenta­is « un joyau noir » avant, poussé par son propre père qui avait fini par le convaincre que je n’étais pas la bonne femme pour lui, m’a créé les pires ennuis, jusqu’à m’enlever mes enfants.

Ce fut dur de remonter la côte. Mais je l’ai remontée jusqu’à retrouver la garde de mes enfants. Je ne serai plus jamais la « calice de négresse » d’un beau-père raciste. Je suis devenue celle que j’ai choisi d’être. Alors toi, épouse, maman malheureus­e et inquiète qui écrit à Louise ce matin : « Lève-toi et sauve tes enfants. C’est là ta mission ». Une mère Noire qui a dit NON au racisme

Merci de votre témoignage inspirant. Toutes mes excuses pour avoir dû écourter votre lettre, trop longue pour figurer en totalité dans cette chronique. Une lettre décrivant avec précision les ravages du racisme. Espérons que votre témoignage fasse réagir la personne à laquelle vous l’adressez. Et personnell­ement, j’incite tout le monde à faire son examen de conscience sur le sujet.

Message d’intérêt public

Le message paru ce matin dans votre chronique sous la plume d’une dame vivant avec très peu d’argent m’a touché au coeur.

Elle a raison de dire qu’on devrait se regarder pour apprécier ce qu’on a plutôt que de toujours envier l’autre qui a plus. Ça s’appelle du gros bon sens. Anonyme

La crise dont nous sortons à peine vient de nous rappeler, de façon brutale et subite, que rien n’est acquis pour la vie. Et surtout, que la santé est une bien plus grande valeur que toute la fortune du monde. Le seul fait d’avoir été épargnée par le virus m’incite à rester humble.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada