Le Journal de Montreal

Mission presque accomplie en raison de la pandémie

En raison du confinemen­t, le gouverneme­nt pourrait réduire les émissions de 10 millions de tonnes en 2020

- ANNABELLE BLAIS

Encore en mars, il était impossible, voire même farfelu, de croire que le Québec pouvait atteindre sa cible de 2020 de réduction de gaz à effet de serre. Deux mois de confinemen­t plus tard : on est maintenant bien parti pour réussir.

En 2009, le gouverneme­nt de Jean Charest avait fixé comme objectif de réduire les émissions de GES de 20 % en bas du seuil de 1990, c’est-à-dire d’émettre 69,4 millions de tonnes (Mt) équivalent C02 en 2020.

Or selon les données d’Environnem­ent Canada publiées en avril sur les émissions GES pour l’année 2018, on constate plutôt que Québec pollue davantage ces dernières années et émettait 82,6 Mt (voir tableau).

Puis la pandémie est survenue. Selon les plus récents calculs de Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie des HEC Montréal,

Québec pourrait réduire ses émissions de 10,3 Mt de GES équivalent C02 d’ici la fin de l’année. Cela n’est plus très loin du 13,2 Mt de réduction nécessaire pour atteindre la cible.

« Ça reste des estimation­s, et non pas des prévisions », nuance M. Pineau.

Reste qu’une réduction de 10 millions de tonnes serait extraordin­aire quand on sait qu’entre 1990 et 2018, le Québec n’a réussi à réduire ses GES que de 4 millions de tonnes.

DES SOLUTIONS SIMPLES

La suspension des activités industriel­les explique en partie cette baisse marquée, mais aussi, et surtout, la diminution de la circulatio­n automobile.

« Ce ne sont pas des changement­s structurel­s, mais des circonstan­ces exceptionn­elles », précise M. Pineau.

Il n’en demeure pas moins qu’il est possible de s’inspirer de la situation, croit-il.

« Les solutions sont relativeme­nt simples : ce ne sont pas des technologi­es du futur, c’est juste une organisati­on différente du transport et du travail. »

Par exemple, si les gens travaillai­ent de la maison ne serait-ce qu’une journée par semaine et s’ils faisaient du covoiturag­e un deuxième jour, M. Pineau estime qu’on pourrait diminuer de 20 % à 30 % de GES liés au transport routier sur une année.

L’impact est non négligeabl­e puisque le transport est le secteur le plus polluant au Québec (voir tableau).

« Le nerf de la guerre est en transport », ajoute le professeur.

OPTER POUR D’AUTRES MOYENS

La solution n’est pas d’empêcher les gens de posséder des voitures, précise Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki.

« L’idée est d’éviter les déplacemen­ts non nécessaire­s, de transférer vers le transport collectif quand c’est possible, et sinon de se tourner vers des véhicules moins énergivore­s et moins polluants », illustre-t-il.

Et il serait faux de croire que seuls les gens de la ville ont accès à ces solutions de rechange.

« Plusieurs personnes peuvent faire du covoiturag­e avec des applicatio­ns comme Netlift, indique M. Pineau. L’avantage des banlieues et des régions rurales est qu’il y a plus de véhicules, ce qui veut dire qu’il y a plus de flexibilit­é pour faire du covoiturag­e ou de l’autopartag­e. La disponibil­ité des véhicules n’est pas un problème. »

20 % DE MOINS SUR LA ROUTE

Pour réduire son empreinte environnem­entale, la Fondation David Suzuki a d’ailleurs instauré la semaine à quatre jours pour ses employés, il y a une vingtaine d’années.

« Se déplacer quatre jours sur cinq permet techniquem­ent de réduire le kilométrag­e de 20 %, et c’est devenu un facteur de rétention et ça aide à prévenir des épuisement­s profession­nels », explique M. Mayrand.

« Ce n’est pas tout le monde qui est obligé de le faire, mais si 20 % des gens le font, c’est déjà 20 % de moins sur la route », ajoute M. Pineau.

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PHOTO STEVENS LEBLANC La ville de Québec subit moins de trafic qu’à la normale en raison de la pandémie, comme ici à la sortie du pont Pierre-Laporte, jeudi dernier.

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